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leur peine un quart montre une excellente conduite, la moitié une conduite assez bonne, un huitième des mœurs irrégulières; enfin le dernier huitième touche à la dernière limite du crime et de la dépravation. Les femmes sont généralement pires que les hommes : elles vivent à peu près sous la même discipline; elles sont renfermées dans des maisons de correction ou allouées comme servantes aux colons. A Ross, petit village situé sur le Macquarie, affluent du Tamar, non loin de Campbell-Town, entre Launceston et Hobart-Town, il y a un établissement que l’on appelle le comptoir des femmes, the female factory, c’est un dépôt considérable dans lequel elles sont employées à des travaux de diverse nature, en attendant que les colons viennent choisir parmi elles des domestiques. L’établissement est bien situé, entretenu avec un soin et une propreté extrêmes, et la surveillance, aidée par l’isolement, y a, dit-on, produit de bons effets. En général pourtant, les femmes qui parviennent à jouir des bénéfices du ticket of leave alimentent les maisons de prostitution des deux principales villes, et les autres recherchent toutes les occasions de s’enivrer de gin, en dépit des châtimens. Ces châtimens sont ainsi gradués, selon la gravité des délits : réprimande, fouet, condamnation à tourner la roue d’un moulin pendant un temps limité, travaux forcés le jour et emprisonnement solitaire la nuit, travaux forcés sur les grands chemins, travaux forcés dans des escouades, envoi à l’établissement pénal de Port-Arthur. Outre la réprimande, on inflige aux femmes des immersions dans l’eau froide, la prison, le séjour dans un établissement où elles travaillent en silence. Pour les convicts employés à la confection des chemins, on dresse des baraques sur le lieu même des travaux; ils y prennent leurs repas, et y sont enfermés le soir par escouades de dix ou douze hommes, sous la surveillance des constables, et des sentinelles sont disposées à des intervalles rapprochés pour empêcher les évasions. A Hubart-Town, ils sont logés dans un vaste édifice, solide construction en pierre, aux sombres et fortes murailles, et on les emploie dans la ville à enlever les immondices et à porter les fardeaux.

Le fameux établissement de Port-Arthur, si redouté des convicts, est situé dans un endroit des plus pittoresques, à l’extrémité de la péninsule de Tasman, qui elle-même fait suite à la péninsule de Forestier, au sud-est de l’île. Ce point, théâtre particulier des travaux de l’expédition commandée par d’Entrecasteaux, était en ce temps-là couvert de grandes forêts, vieilles comme le monde, dont subsistent encore d’imposans débris, et sur la plage les indigènes, que ce navigateur ne cesse de louer dans sa relation pour leur bienveillance et leur douceur, venaient durant l’été recueillir les coquilles et pêcher le poisson dont ils faisaient leur nourriture. Aujourd’hui,