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couverte. Cook et d’Entrecasteaux l’ont depuis visitée. Celui-ci avait été envoyé par l’assemblée nationale en 1791 à la recherche de La Pérouse ; il accomplit sur la côte méridionale des découvertes et des reconnaissances importantes, et plus d’un point conserve sur cette terre anglaise, avec des noms français, le souvenir des travaux qui ont marqué le passage de notre expédition. L’île a environ la superficie de l’Ecosse, et elle présente à peu près la forme d’un triangle ; une chaîne de montagnes y dessine deux principaux bassins, arrosés par les rivières Tamar, qui coule du sud au nord, et Derwent, qui coule du nord-ouest au sud-est. Au fond du long estuaire que forme la première s’élève Launceston, et à l’embouchure de l’autre a été bâtie, dans une position aussi belle qu’avantageuse, la capitale Hobart-Town. Ainsi, en se rendant de l’une à l’autre de ces deux villes principales, on traverse l’île à peu près dans sa longueur.

C’est à Launceston que débarquent d’ordinaire, après avoir franchi le détroit de Bass, les voyageurs et les négocians qui viennent de la Nouvelle-Galles et du Victoria. De Melbourne, le trajet est en moyenne de seize heures. À mesure que se déroulent sur cette partie de la Tasmanie les côtes dominées par des hauteurs boisées que surmontent des pics plus élevés, puis les rives du Tamar, couvertes alternativement de cultures, de rochers et de grands bois, le paysage est de toute beauté. Quand, à partir de Port-Dalrymple, à l’extrémité septentrionale de l’île, on a remonté dans un espace de quarante milles la rivière, Launceston apparaît en amphithéâtre dans une enceinte de hauteurs. Sa position pittoresque et favorable au commerce n’est point toutefois exempte d’inconvéniens ; le fleuve s’y rétrécit d’une façon sensible, et un vaste marécage qui en couvre les bords suspend sur la ville, durant l’hiver, un brouillard épais et malsain. À une courte distance, le South-Esk, affluent du Tamar, descend avec impétuosité de hauteurs qui ont de sept à huit cents pieds, en formant des cataractes et des rapides. L’eau s’élance d’une gorge de la montagne et se précipite en bondissant à travers un vallon pierreux dans un petit lac ; elle en sort divisée par les rochers et court ainsi vers la plaine, qu’elle sillonne lentement jusqu’à ce qu’elle ait atteint le fleuve. Du milieu des arbres séculaires qui y plongent leurs racines et de l’entassement de roches qui dominent les chutes, on voit sortir çà et là quelques rians cottages. Launceston compte environ onze mille âmes : elle a des quais commodes et de vastes magasins ; on y voit deux églises épiscopales, une presbytérienne, une catholique, celle-ci bâtie dans le style ogival, une synagogue et des chapelles pour les nombreuses communions vivant pêle-mêle sur ce sol, qui, par les mœurs de ses hôtes et la variété des nationalités, ressemble plutôt à l’Amérique qu’à l’Angleterre. Une cour de justice, une prison, une maison de