Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà comblé d’honneurs, vit sa fille la religieuse pourvue de l’abbaye de Saint-Antoine, et Champlâtreux eut le gouvernement de Vincennes, avec l’assurance d’une charge de président à mortier à la retraite de son père. Quelque temps après, l’illustre vieillard conserva les sceaux et résigna la première présidence. Mazarin aurait pu nommer à cette charge éminente l’un des présidens à mortier qui lui avaient été le plus favorables : il fut assez maître de lui-même, assez politique, pour la donner à l’homme que la compagnie tout entière lui eût désigné. Pomponne de Bellièvre, qui plus d’une fois avait été très vif dans la cause du parlement, et qui désormais allait mettre la haute influence que lui assuraient son habileté et sa grande fortune au service de la royauté et de son ministre. Le parlement fut très flatté de ce choix. Au fond, il n’était pas fort difficile de bien vivre avec des magistrats nourris ordinairement dans le culte de l’ordre public, et qui n’avaient aucune raison de chercher querelle à la royauté. L’aristocratie qui siégeait à côté d’eux les avait égarés en ayant l’air d’entrer dans leurs intérêts pour les engager au service des siens; mais, l’aristocratie vaincue et soumise n’agitant plus le parlement, il rentrait aisément dans son assiette accoutumée, et dès qu’on n’avait plus devant soi que des griefs plus ou moins légitimes, on les pouvait prendre en considération et les satisfaire dans une mesure convenable. Le plus sérieux de ces griefs était la multiplication des offices. N’ayant plus que l’Espagne à combattre depuis le traité de Westphalie, Mazarin avait moins besoin de ressources extraordinaires : il s’abstint donc, autant qu’il put, de créer de nouveaux emplois de judicature, et il respecta plus que jamais la juridiction du parlement. Un des plus fougueux frondeurs, le conseiller Fouquet de Croissy, invité à sortir de Paris avec ceux de ses confrères qui étaient enveloppés dans la même disgrâce, au lieu de suivre l’exemple du président Viole et d’aller conspirer ouvertement à Bruxelles, s’était obstiné à rester dans la capitale, et là, par ses correspondances factieuses et par ses efforts pour raviver le vieux levain de la fronde, il avait en quelque sorte forcé le vigilant Mazarin à le faire arrêter; mais cette arrestation, commandée par la nécessité, fut au cardinal une occasion heureuse de bien faire voir que les anciens abus ne reparaîtraient plus, et que la déclaration du parlement, en juillet 1648, sur la sûreté des personnes serait désormais un peu mieux observée que pendant la fronde. On ne livra point Croissy à une commission extraordinaire, et on ne l’ensevelit point en prison; selon son droit de conseiller au parlement, il fut immédiatement déféré au parlement lui-même, qui procéda à son égard dans les formes accoutumées. Le parlement ne pouvait manquer d’être touché d’une pa-