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et les déclamations intéressées de gens de loi incapables méritaient le châtiment du pouvoir absolu.

Molé, comme premier président et comme garde des sceaux, prit la plus grande part à ces diverses mesures, avec le chancelier Seguier. Le procureur-général Fouquet les apporta devant le parlement le 22 octobre, et il en enleva l’enregistrement, grâce à la présence du roi. Les frondeurs qui étaient restés à Paris et parurent s’agiter furent contenus et réprimés, et Retz, comme nous l’avons dit, ayant mêlé à ses grandes démonstrations de respect et de soumission des menées suspectes, se vit arrêter en plein Louvre et conduire à Vincennes. Ce coup de vigueur intimida les plus hardis, et le lendemain le vieil archevêque de Paris étant venu avec son clergé adresser à la reine des doléances sur l’arrestation d’un cardinal, il lui fut nettement répondu que, le roi ayant agi dans l’intérêt de l’état, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il changeât rien à ce qu’il avait fait. On publia dans la Gazette[1] cette ferme réponse, ainsi que les motifs de l’arrestation de Retz. Le parlement, averti par un tel exemple, garda le silence, se résigna peu à peu à sa condition nouvelle, et reprit les habitudes qui conviennent à l’exercice impartial et paisible de la justice.

Ainsi Mazarin, en revenant à Paris, n’avait plus de tristes sévérités à exercer; Fouquet et Molé les avaient prises sur eux, et sans en avoir l’odieux, il en recueillit le fruit.

Il trouva au Louvre le 3 février 1653 le parlement de Paris, conduit par ses deux chefs, le procureur-général et le premier président, qui venait en corps, avec les autres ordres de l’état, lui présenter ses hommages. Mazarin l’accueillit avec sa bonne grâce accoutumée, et sans avoir l’air de se souvenir qu’à plusieurs reprises depuis 1648 ce même parlement l’avait condamné au bannissement, avait fait vendre à l’encan, sur la place du Châtelet, ses meubles, ses tableaux, sa bibliothèque, l’avait déclaré ennemi de l’état, perturbateur du repos public, et avait mis sa tête à prix. Il eut des sourires pour tout le monde et laissa tout le monde satisfait. Il prodigua sans doute les faveurs à ses amis, mais il n’ajouta pas la moindre rigueur à celles que la politique avait d’abord imposées : il les adoucit plutôt. Les conseillers qui avaient souffert pour sa cause furent promus à des places importantes. En même temps que Servien, Le Tellier et Lyonne recevaient de hautes récompenses de leur fidélité courageuse, le procureur-général Fouquet, nommé ministre d’état, prit séance au conseil d’en haut, et partagea la surintendance des finances avec Servien. Matthieu Molé,

  1. Gazette de Renaudot, 1652, n° 149, p. 1175-1176.