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à ce danger sans toucher à la constitution même du parlement : cette constitution fut scrupuleusement respectée; mais on prit une mesure qui diminua un peu le vice originel que nous avons signalé sans abaisser la compagnie, ou plutôt en rehaussant sa dignité et sa vraie indépendance.

Le mal qu’avait toujours fait le mélange des magistrats et des grands seigneurs avait été porté à son comble pendant la fronde. Les écrivains qui se font les panégyristes du parlement de la fronde ne se doutent peut-être pas que, parmi ces Brutus et ces Caton déclamant si haut contre le premier ministre, les plus emportés étaient aux gages des grands seigneurs leurs collègues, en tenaient des pensions pour avoir soin de leurs affaires de tout genre, souvent même faisaient partie de leur haute domesticité. Qu’on juge de leur indépendance en matière politique, et même en matière civile! Pour couper court à ces honteux abus, le premier président et garde des sceaux crut bien mériter du parlement en lui adressant, dans le lit de justice du 22 octobre, une déclaration royale parfaitement fondée en principe, dont les termes naïfs et forts sont précieux à recueillir : « Considérant que la plus grande partie des désordres a procédé de la liberté que nos officiers se sont donnée de s’intéresser dans les affaires des princes et des grands de notre royaume, soit en prenant la conduite d’icelles, soit en recevant des pensions et gratifications, soit en leur faisant une cour ordinaire au préjudice du devoir et honneur de leurs charges, soit en assistant à leurs conseils, ce qui les a engagés ensuite à avoir une aveugle complaisance pour eux et pour tous leurs desseins, jusques à révéler les secrets des délibérations contre leur propre serment et le service qu’ils nous doivent, et prendre leurs sentimens pour les porter dans les délibérations de leurs compagnies, étant notoire que ceux de nos officiers qui se sont dévoués auxdits princes et grands ont eu l’artifice de les faire assister dans toutes les assemblées pour être fortifiées par leurs présences et ôter à leurs confrères la liberté des suffrages, faisant intimider les uns, interrompre et contredire impérieusement les autres, nous défendons à tous nosdits officiers, de quelque qualité qu’ils soient, de prendre soin ou direction des affaires desdits princes et grands de notre royaume, de recevoir d’eux des pensions, gratifications et autres bienfaits, de leur faire la cour par des fréquentes visites, d’assister à leurs conseils et s’intéresser à leurs desseins, à peine d’être procédé contre les contrevenans selon la rigueur des ordonnances, et ce nonobstant tous brevets et lettres qu’ils pourroient avoir obtenus de nous, que nous révoquons par ces présentes. »

Il ne suffisait pas d’avoir préservé le parlement du commerce con-