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et La Rochefoucauld. Qu’y trouvez-vous? Rien de net : ils se bornent à accuser Richelieu et Mazarin d’avoir porté atteinte à l’ancienne constitution de la France. Or cette accusation, bien comprise, absout et relève Richelieu et Mazarin aux yeux de tout juge impartial, et elle accable les importans et les frondeurs, car qu’était-ce que cette fameuse constitution de la France avant Richelieu, sinon le reste des dominations du moyen âge, le gouvernement féodal affaibli, mais formidable encore, avec des tempéramens de peu d’importance?

Est-il plus vrai que la fronde, comme on l’a aussi prétendu, est un contre-coup, une sorte d’imitation malheureuse de la révolution qui agitait alors l’Angleterre? Pas le moins du monde : cette autre erreur, plus étrange encore que la précédente, repose sur une fausse et trompeuse analogie, cet ordinaire écueil des considérations et des comparaisons historiques. Au fond, la première révolution d’Angleterre était presque toute religieuse, tandis que chez nous les querelles religieuses ne sont point intervenues dans la fronde, grâce à la protection éclairée dont jouissaient les protestans. On leur avait, il est vrai, enlevé leurs places fortes de Montauban et de La Rochelle, refuge commode aux ministres fanatiques et aux chefs ambitieux qui poussaient les peuples à la révolte; mais ils exerçaient librement leur culte, ils pouvaient parvenir à tous les emplois, ils étaient même admis dans les parlemens dont le ressort comprenait un grand nombre de religionnaires, et dans l’armée leur mérite et leur fidélité les élevaient aux plus hautes dignités, à ce point qu’un jour on avait vu cinq protestans en même temps maréchaux de France : La Force, Chatillon, Gassion, Rantzau et Turenne. Tout au contraire l’Angleterre n’avait pas alors la moindre idée de la liberté religieuse, et ce qu’elle appelait, et appela même longtemps ainsi, n’était pas autre chose que le droit de persécuter à son aise les catholiques, de les exclure de tous les emplois publics, de la chambre des lords, de la chambre des communes, et même des universités, le droit enfin de les traiter à peu près comme on traitait les Juifs au moyen âge. La reine elle-même, la noble fille d’Henri IV, n’avait-elle pas été indignement tourmentée par un Buckingham, et plus tard livrée aux plus basses calomnies, complaisamment recueillies par les historiens protestans, pour avoir réclamé en faveur du libre exercice de sa religion les garanties solennellement stipulées dans son acte de mariage, et qui en France étaient reconnues et inviolablement respectées dans le plus humble membre de la communion de la minorité? Il n’y avait donc aucune vraie ressemblance dans la situation des deux royaumes. On oublie toujours que la France de 1648 à 1653 ne voyait pas au-delà de la Manche la glorieuse monarchie constitutionnelle fondée par le génie de Guillaume III : elle n’y voyait qu’une anarchie san-