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comme à toutes les menaces, et n’avait jamais cessé de se gouverner par ses conseils; qui l’avait appelé à Poitiers; qui, à Gien, apprenant la déroute de Bleneau pendant qu’elle était à sa toilette, la continua paisiblement, quand tout le monde parlait de fuir, disputant de courage et de sang-froid avec Mazarin lui-même. En se retrouvant dans la demeure des rois après tant de séparations douloureuses, après s’être vus si souvent à deux doigts de leur perte, ils pouvaient être fiers de leur constance, qui avait mérité et amené les prospérités de ce grand jour, et rêver ensemble pour la fin de leur vie un repos glorieux.

Autour de la reine, le cardinal rencontra un brillant cortège de grands seigneurs et de grandes dames, naguère ennemis du successeur de Richelieu, et qui venaient le complimenter sur son heureux retour.

Parmi ces dames était au premier rang la Palatine, Anne de Gonzague, une des personnes les plus éminentes du XVIIe siècle, d’une admirable beauté[1], qui servait en quelque sorte de parure à l’esprit le plus solide, aussi capable de prendre part à des délibérations d’hommes d’état qu’à des assemblées de beaux esprits ou à de galantes intrigues, cherchant, il est vrai, ses avantages, mais avec une loyauté parfaite, qui, sans trahir la royauté, avait donné à la fronde les plus judicieux conseils, et l’aurait sauvée, si la fronde avait pu l’être. Comme elle avait toujours entretenu avec Mazarin la meilleure intelligence, elle pouvait fort bien s’associer à son triomphe[2].

Elle était là aussi, cette autre politique, d’un ordre encore plus relevé, aussi belle et aussi galante, d’un esprit moins gracieux, mais plus fort peut-être, plus capable encore de grandes entreprises, et ne s’arrêtant ni devant aucun danger ni devant aucun scrupule ; la veuve du connétable de Luynes, Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse[3], qui autrefois avait mis la main dans tous les complots ourdis contre Mazarin, et, de concert avec la Palatine, avait proposé la seule mesure qui pût mettre ensemble tous ses ennemis et former un grand parti aristocratique en état de tenir tête à la royauté : le mariage du fils de Condé avec une fille du duc d’Orléans, et celui de sa propre fille avec le prince de Conti[4]. Ce double mariage ayant échoué, dégoûtée d’un parti où les conseils de la politique étaient toujours sacrifiés à la passion et le véritable

  1. Voyez son portrait à Versailles au-dessus de celui de Mme de Longueville.
  2. L’oraison funèbre de la princesse Palatine mérite une entière confiance, bien entendu le ton du panégyrique admis. Toutes les fautes sont indiquées, et les éloges se peuvent justifier par les témoignages les plus certains, et par celui de Retz lui-même.
  3. Voyez Madame de Chevreuse dans la Revue du 15 décembre 1855.
  4. La Société française au dix-septième siècle, t. Ier, chap. Ier, p. 54.