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fournit déjà des données sur lesquelles ropinion publique peut s’appuyer non-seulement pour asseoir ses espérances, mais pour établir, avec plus de précision qu’elle ne l’a pu faire jusqu’à ce jour, ses appréciations, son jugement et ses vœux sur la conduite de la question qui agite l’Europe. Examinons d’abord le caractère de ces deux actes : l’évacuation annoncée des États Romains et la mission de lord Cowley.

Au point de vue de la France, nous ne pouvons nous empêcher de considérer comme une grande satisfaction pour notre politique la cessation de l’occupation de Rome. Cette occupation imposait, suivant nous, à la France une responsabilité trop douloureuse dans les destinées de l’Italie. Si la présence du drapeau français dans les états de l’église avait été le gage et le signe de l’etHcacité de notre influence employée à l’amélioration politique de l’Italie centrale, la France libérale aurait pu prendre son parti de cette anoaialie ; mais il est évident que le concours militaire prêté par nous au souverain pontife n’a pas réussi à donner de l’autorité à nos conseils. Ainsi en notre présence, sous notre protection, le gouvernement pontifical a persévéré dans les fâcheux erremens d’où l’Europe, à tant de reprises, s’est efforcée vainement de le tirer. Dans de telles conditions, continuer à faire à Rome un service de gendarmerie, c’était subir et presque accepter devant l’Italie et devant l’Europe une sorte de complicité dans les erreurs et les fautes du gouvernement du saint-père ; c’était encourager peut-être le gouvernement romain par la sécurité anormale que nous lui procurions à s’obstiner dans sa malheureuse immobilité. L’inconvénient était plus grave encore : à tort ou à raison, les libéraux italiens regardent Rome comme l’obstacle fatal qui s’oppose à l’affranchissement et aux progrès politiques de l’Italie, et c’est aux interventions étrangères qui protègent le souverain temporel dans le chef du catholicisme qu’ils attribuent l’invincible puissance de cet obstacle. L’occupation prolongée de Rome par les troupes françaises donnait lieu ainsi à une regrettable méprise de l’opinion italienne, même en dehors des états pontificaux, sur les tendances réelles et les sympathies véritables de la politique de la France. Il y a longtemps que cette position nous paraissait cruelle pour la bonne renommée de notre pays et intolérable pour les intérêts de sa politique. Nous considérons donc comme un acte très heureux la résolution du saint-père annoncée aux ambassadeurs de France et d’Autriche. La France, dégagée d’une pénible solidarité, pourra reprendre vis-à-vis de l’Italie, nous ne dirons pas sa liberté d’action, qu’elle n’avait point aliénée, mais la franchise de son attitude, dont une fausse position avait trop longtemps altéré l’apparence aux yeux de l’Italie.

Ce n’est point à nous de faire ressortir les avantages de cette solution pour l’Autriche elle-même dans les circonstances actuelles. L’évacuation des états du pape fait disparaître un des plus grands embarras de la politique autrichienne en Italie, car la présence simultanée de ses troupes et des nôtres sur le territoire pontifical mettait nécessairement en relief l’antagonisme des deux puissances dans les affaires de la péninsule, irritait la lutte des influences, et pouvait être pour elles, suivant les circonstances, une occasion prochaine de conflit. Envisagée au point de vue du gouvernement pontifical, la résolution annoncée par le cardinal Antonelli peut être l’objet