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quième acte entre Marie et Mme de Fontenay. Les Faux Bonshommes pourraient avoir dix actes aussi bien que quatre, car cette comédie n’est pas autre chose qu’une galerie de tableaux dramatiques, une suite d’esquisses cousues tant bien que mal à la suite les unes des autres, au milieu desquelles se détache la fameuse scène du contrat, scène beaucoup trop vantée, mais pleine d’esprit comique franc et naturel. Dans l’Héritage de M. Plumet, il se trouve que la situation conçue par l’auteur se présente dès la première scène, de sorte que cette première scène se répète pendant cinq actes, et que la comédie, tournant autour d’elle-même jusqu’au dénoûment, ressemble à ces œuvres dramatiques :

Où l’intrigue, enlacée et roulée en feston,
Tourne comme un rébus autour d’un mirliton.

Et cependant malgré tout il y a dans ces œuvres sans art des qualités dramatiques précieuses, et par exemple quantité de mots réellement comiques et qui peignent d’un trait un caractère, un vice, une laideur morale. Çà et là la nature humaine est prise sur le fait, brutalement, comme un papillon saisi soudain par la main d’un enfant. Par instant, le dialogue s’anime et frise de très près la véritable comédie. Connaissez-vous M. Dufouré, l’homme sensible, qui, lorsqu’il donne deux francs à un pauvre, en emploie vingt pour se faire faire une réclame dans les journaux; tout sucre et tout miel pour sa femme tant qu’il est devant le public, tout fiel et tout vinaigre dans son ménage? Il faut voir comme les époux se gourment entre eux lorsqu’ils ont la douleur d’être seuls. « Vous êtes un calomniateur, monsieur! mon fils ne me gêne pas... Il ne m’a jamais gênée, car je n’ai jamais eu rien à me reprocher, moi! je suis toujours restée un modèle de fidélité, de constance,... j’ai même été joliment bête! — Madame!... Au fait, ça m’est égal,... il n’est plus temps! — Qu’en savez-vous, monsieur?... J’ai dix-huit mois de moins que vous... Jour de Dieu, Ernest! ne me poussez pas à bout. » Et leur progéniture, le jeune Raoul Dufouré, comme il montre bien qu’il a profité des leçons paternelles, lorsque l’auteur de ses jours lui reproche les dettes qu’il paie pour lui! « J’ai lu l’article des successions. Or ma tante Anastasie m’a laissé cent cinquante mille francs. Vous les détenez illégalement, puisque je suis majeur et que j’ai droit à ma fortune. Donnez-moi mes cent cinquante mille francs, et je ne vous demanderai plus rien! — Malheureux! — Dame! depuis que je suis au monde, vous m’avez toujours répété : « La fortune est le premier des biens; si tu veux être recherché, aie de l’argent; si tu veux avoir des amis, aie de l’argent, et toujours de l’argent! » Eh bien! j’en veux, voilà tout. » Et M. Péponnet, qui, désirant rompre le mariage de sa fille, prête une oreille complaisante