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et à leur place on avait élu de nouveaux échevins : le vieux Broussel avait été nommé prévôt des marchands; mais le roi n’avait pas manqué de déclarer toutes ces nominations contraires « à la liberté publique, » et de frapper de nullité toutes les délibérations et les résolutions qui seraient prises à l’Hôtel de Ville jusqu’à ce que « le gouverneur de Paris, le prévôt des marchands légitime, et les autres magistrats qui ont été contraints d’en sortir, aient été remis en la fonction de leurs charges. » L’anarchie était à son comble dans le gouvernement et dans les esprits.

Pendant ce temps-là, l’Espagne, intéressée à nourrir parmi nous la guerre civile, avait renouvelé avec le duc de Lorraine une alliance qu’elle croyait plus solide que la première, et avait renvoyé le duc à la tête d’une armée considérable. Il arriva dans les premiers jours de septembre; mais Condé ne put se joindre à lui : il était tombé assez gravement malade, et son inaction forcée pendant tout le mois de septembre porta le dernier coup aux affaires du parti. Turenne contint le duc de Lorraine et le contraignit habilement de s’arrêter dans les environs de la capitale, où ses troupes ne pouvaient manquer de se livrer à des pillages et à des brigandages qui soulevèrent les paysans ruinés et Paris affamé. Les maladies vinrent à la suite de la famine. Bientôt il n’y eut plus qu’un seul sentiment, un seul besoin, un seul cri, la paix, la fin d’une guerre abhorrée.

Pour soutenir et accroître cette disposition, Mazarin conseilla au roi une amnistie générale qui rassurât tous ceux qui avaient pris quelque part aux événemens des dernières années. Quiconque accepterait l’amnistie et ferait sa soumission ne serait pas recherché; le passé était clos, l’avenir seul serait compté. Cet acte habile, promulgué le 26 août, en se répandant à Paris et dans toute la France, y fut le signal de la déroute de la fronde. L’altier Condé n’accepta point l’amnistie, et, au lieu de poser les armes, de licencier ses troupes et de rompre avec l’Espagne, comme le roi l’y invitait expressément dans l’édit du 26 août, par une erreur à jamais déplorable il s’enfonça de plus en plus dans son alliance avec l’Espagne et s’éloigna de Paris avec le duc de Lorraine, se jetant aveuglément dans une guerre plus affreuse encore et plus criminelle que la guerre civile, plus quam civilia bella. Son exemple ne fut pas suivi. Il garda ses propres régimens et les officiers les plus dévoués à sa fortune; mais plus d’un et des meilleurs, Tavannes par exemple, refusèrent de quitter la France et de passer au service de l’étranger. A Paris ce fut comme une émulation à qui profiterait le plus tôt de l’amnistie. On ne voyait que députations se dirigeant vers Compiégne, où était la cour. Le 24 septembre, l’Hôtel de Ville s’assembla pour délibérer sur l’ordre du roi qui interdisait de reconnaître les magistrats nom-