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des presses des différens modèles, mais encore à la lenteur calculée et bien régulière avec laquelle cette pression s’exerce. Les cylindres n’accomplissent qu’une révolution sur leur axe en deux minutes et demie, tandis qu’ils accomplissaient naguère deux révolutions dans le même temps. Cette importante modification a nécessité l’emploi de presses de plus grandes dimensions. Les usines de MM. Caïl et C°, où se construisent la plupart de ces puissantes machines, en expédient des modèles qui ont jusqu’à 1 mètre de diamètre, 2m 10 de longueur ; elles exigent une force de 90 chevaux de vapeur pour être mises en mouvement, et produisent alors de 3 à 400,000 litres de jus par jour.

Pour une augmentation de rendement en jus aussi considérable, les moyens de chauffage étaient insuffisans, puisque les cannes, au sortir des presses, ne renfermaient plus la proportion considérable de sucre qui constitue dans les anciennes sucreries la plus grande partie du combustible[1]. À la vérité, les premiers appareils d’évaporation construits par M. Derosne pouvaient satisfaire jusqu’à un certain point à cette exigence nouvelle ; mais les appareils bien plus économiques et plus récemment introduits à la Réunion et à la Havane ne laissent presque plus rien à désirer sous ce rapport. Les appareils à triple effet, dont j’ai parlé précédemment à propos des sucreries indigènes[2], après avoir utilisé une première fois la vapeur pour le développement de la force mécanique, s’appliquent deux fois successivement à produire l’évaporation. On remarque dans une des installations de la Réunion un appareil à quadruple effet, de MM. Caïl et C° produisant une quatrième évaporation par la condensation de la vapeur naguère perdue, et qui passe maintenant dans un serpentin faisant fonction de condensateur pour déterminer le vide.

Quant à la cristallisation du sucre, une innovation remarquable

  1. Lorsque par exemple on n’extrait que 50 centièmes de jus, le résidu ou la bagasse retient pour 100 de son poids : Il de sucre, plus 10 de tissus ligneux équivalant ensemble comme combustible à 20 de bois de chauffage. Dans les installations récentes, si l’on obtient 70 de jus, il ne reste que l’équivalent de 4 de sucre, plus 10 de tissus ligneux, représentant à peine 13 de combustible analogue au bois, ou 1/3 de moins que dans le premier cas.
  2. Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1857. Nous avions dit alors que la fabrication du sucre indigène en 1858 s’annonçait sous des auspices si favorables qu’elle produirait au-delà de 100 millions de kilogrammes. À cet égard nos prévisions se sont complètement réalisées, car la production en France s’est élevée à 151,514,400 kilogrammes. Parmi les hommes auxquels on doit cet heureux progrès, il convient de nommer particulièrement M. Benjamin Delessert, qui a provoqué par son exemple la mise en pratique de plusieurs systèmes de fabrication dont l’utilité est aujourd’hui pleinement démontrée.