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la concentration graduée. La première chaudière, devant contenir le plus grand volume de jus, se nomme la grande. Avant que l’ébullition s’y manifeste, on délaie dans le vesou de 2 à 5 dix millièmes de son poids de chaux, préalablement éteinte en un lait assez épais. Bientôt les substances albuminoïdes, coagulées par la chaux, qui se combine avec elles, et par la chaleur, qui contracte ce composé, produisent dans toute la masse du liquide une sorte de réseau qui s’élève, soutenu par des bulles de gaz et de vapeur, et arrive à la superficie sous la forme d’une écume, après avoir entraîné les corps étrangers en suspension qui troublaient, au sortir des presses, la transparence du vésou. Cette écume, soigneusement enlevée, laisse, si cette sorte de clarification a été bien faite, un jus limpide d’une couleur jaune ambrée. On décante ce liquide dans la chaudière suivante, un peu moins grande, que l’on nomme la propre, parce que le jus a été nettoyé de ses écumes dans la première chaudière. L’ébullition amenant de nouvelles écumes, on les enlève pour les reporter dans la grande, où elles se réunissent aux écumes d’une deuxième défécation du jus arrivant des presses.

De la deuxième chaudière, le jus, clair et plus ou moins concentré, est transvasé, à l’aide d’une grande et profonde cuiller (appelée puisoir ou pucheux ) ; dans la troisième chaudière, désignée sous le nom de flambeau par suite de certains indices qui s’y manifestent, auxquels les ouvriers spéciaux reconnaissent ou croient distinguer si la première clarification a bien réussi, ou si elle est insuffisante. L’évaporation continuant toujours dans toutes les chaudières, on transvase le liquide de la troisième dans une quatrième appelée le sirop, nom qui dérive du degré de concentration donnant au liquide l’apparence sirupeuse. De cette quatrième chaudière, le sirop est versé dans la cinquième et dernière de l’équipage, désignée par sa dénomination de batterie en raison du bruit particulier qu’y détermine l’ébullition par soubresauts du sirop lourd, soulevé par la vapeur du fond de la chaudière et retombant avec force. On a fait une sorte d’assimilation entre l’ébullition bruyante ainsi produite et le bruit sourd de coups que se portent entre eux des gens qui se battent. De là cette locution de batterie, acceptée anciennement et transmise d’âge en âge dans les ateliers.

La dernière concentration, appelée la cuite, s’effectue dans la batterie ; elle exige les plus grands soins. On ne peut sans une habileté due à une longue expérience saisir le moment opportun de terminer l’opération, en retirant avec la promptitude voulue tout le sirop bouillant. Quelques minutes avant ou après le terme précis, la cuite donnerait très peu de cristaux, ou formerait dans le cristallisoir une seule masse confuse, d’où la mélasse ne pourrait sortir ou s’é-