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d’air s’insinuer entre elles, brisent tous les rayons lumineux par l’effet de la grande différence de densité et de pouvoir réfringent qui existent entre l’air, corps gazeux, et le sucre, corps solide et dense.

Sans insister sur les autres propriétés du sucre de canne, qui ont un intérêt purement scientifique, il en est une encore qu’il faut noter comme pouvant exercer quelque influence sur la fabrication. Le sucre de canne, en s’unissant au sel marin, forme un composé cristallisable à saveur saline, découvert par M. Péligot, et dont il importe d’éviter la formation en proscrivant l’emploi des sels ou composés alcalins dans le traitement des jus sucrés. Il faut remarquer aussi une particularité caractéristique du sucre de canne. C’est que la composition intime de ce sucre est précisément intermédiaire entre la composition de la fécule amylacée et celle de la glucose ; or comme la fécule, par divers agens chimiques ou naturels, se transforme facilement dans nos usines en glucose, il ne paraît pas déraisonnable de supposer qu’en arrêtant à point la réaction, on changerait la fécule en sucre de canne. Une supposition de ce genre ne semblera point étrange aux personnes qui savent que plusieurs chimistes de nos jours sont parvenus à former de toutes pièces de l’urée, des corps gras, des alcalis organiques, et d’autres principes sécrétés ordinairement dans les organismes des animaux et des plantes.

Quant au rôle important que peuvent remplir les sucres, et plus particulièrement encore le sucre de canne, dans l’alimentation des hommes et des animaux de nos fermes, il ne peut rester de doute à ce sujet. On peut regarder la question de l’utilité hygiénique du sucre comme pleinement résolue, et avant d’arriver au problème de la culture et de la préparation du sucre colonial, j’aborderai un dernier ordre de considérations en étudiant la structure de la canne et le siège du sucre dans ses tissus.

Les notions d’organographie et d’analyse comparées qui font connaître la composition de la canne à sucre à ses différens âges et vers l’époque de sa maturité dans ses différentes parties, bien qu’elles aient nécessité de longues et pénibles recherches, qu’elles aient été assez récemment admises dans la science[1], sont très faciles à comprendre, surtout en ce qui touche les résultats pratiques. La plupart des observateurs avaient admis que dans toute son étendue, comme à ses différens âges, la canne devait offrir la même

  1. La composition des cannes vers l’époque de leur maturité aux colonies et à la Louisiane a été particulièrement l’objet des travaux de MM. Dupuy, Plagne, Hervy, Avequin. M. Peligot a jeté de vives lumières sur cette composition chimique, ainsi que sur les propriétés des sucres.