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s’avança jusqu’à dire que les marionnettes pouvaient représenter les pièces de Shakspeare tout aussi bien que des acteurs vivans. Ce n’est point là tout à fait un paradoxe, car vers 1797 un Anglais, nommé Henri Rowe, jouait avec des figures de bois le drame de Macbeth, et récitait lui-même la part du dialogue qui revenait à chaque personnage. Henri Rowe mourut en 1800; il était de la ville d’York, aussi l’avait-on surnommé York trumpeter. De son vivant, il publia une édition de Macbeth¸ avec des notes et des corrections[1]. Southey, dans son Doctor raconte aussi que la ville d’Inglelon acquit, il y a une centaine d’années, une grande célébrité pour avoir servi de quartier-général à Rowland Dixon, le gesticulator maximus, et à sa troupe de marionnettes. Ces marionnettes-là étaient des hommes de grandeur naturelle, et pour les transporter d’une ville à l’autre il fallait un véhicule qui a été comparé à l’arche de Noé. Tous les écrivains anglais ne se sont point montrés également favorables, on doit l’avouer, à ces représentations dramatiques, dont les acteurs cessaient de vivre en rentrant dans la coulisse, les auteurs comiques ont même parlé avec mépris des motions[2] ; mais, prenez-y garde, c’était de leur part jalousie de métier. Les pièces jouées par les marionnettes faisaient, dans les temps passés, une concurrence très sérieuse aux pièces représentées par des acteurs en chair et en os. Les propriétaires des théâtres situés dans Drury-Lane et près de Lincoln s-inn-Fields adressèrent une pétition à Charles II pour demander qu’un théâtre de marionnettes, qui stationnait alors dans l’endroit où est maintenant bâti Cecil-Street, fût ou supprimé ou transporté dans un autre quartier de la ville. L’attrait était si fort que le puppet-show ne nuisait pas seulement à la prospérité matérielle des théâtres, mais qu’il faisait encore déserter les églises. Dans la foule des marionnettes qui défilaient alors sous les yeux du public anglais figurait le docteur Faust.

De ces anciennes pièces, il n’est guère resté que Punch and Judy. Quelques érudits veulent que le nom de Punch dérive de Punchio, et que le personnage soit d’origine italienne. Cette opinion était combattue par le vieillard que j’avais rencontré dans Clement’s Passage; suivant lui, le type de Punch, tel du moins qu’on le représente aujourd’hui dans les rues de Londres, est bien anglais. Les auteurs du XVIe et du XVIIe siècle ne font aucune mention de son arrivée dans la Grande-Bretagne. La popularité de M. Punch était établie en Angleterre dès l’époque de la reine Anne, et personne alors ne le con-

  1. La plupart des acteurs célèbres en Angleterre ont l’habitude de faire sous leur nom une édition du théâtre de Shakspeare ou du moins de la pièce qu’ils affectionnent le plus.
  2. C’était le terme dont on se servait autrefois pour désigner les marionnettes.