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L’esprit évangélique doit donc descendre par la liberté jusqu’aux bas-fonds des couches sociales, s’étendre jusqu’aux extrémités du monde par le travail, et Balbo demande que cette diffusion s’opère partout, au loin comme auprès de nous. La représentation nationale à l’intérieur, — monarchique ou républicaine, peu lui importe[1], — l’industrie et le commerce au dehors, tels sont à ses yeux les instrumens positifs de cette renaissance, de cette ère nouvelle que le XIXe siècle lui paraît avoir déjà inaugurée. Voilà pour le réel.

Maintenant quelle figure fait la papauté, posée comme couronnement au-dessus de ce grandiose projet d’édifice ? Comment l’admiration exclusive de César Balbo pour les civilisations de la chrétienté dissidente s’accorde-t-elle dans son esprit avec l’espoir qu’il fonde sur le catholicisme romain ? Comment le pape s’y prendra-t-il pour présider une Italie constitutionnelle, pour partager son autorité avec des représentans de la nation, pour mettre le droit canonique en harmonie avec un code réellement civil ? Comment s’obtiendra dans les États-Romains cette indépendance du pouvoir civil, dans laquelle Joseph de Maistre voyait, et avec quelque raison, une concession à l’esprit de la réforme ? Comment en outre la papauté pourra-t-elle prendre en main, d’une part l’industrie et le commerce, instrumens uniques de la diffusion extérieure tant recommandée, de l’autre les sciences et les arts, moyens d’amélioration intérieure ? Comment, à l’aide de ces forces nouvelles pour lui, le président de la confédération italienne présidera-t-il effectivement à la renaissance nationale, lui dont le royaume n’est pas de ce monde ? Les problèmes s’accumulent, les difficultés se multiplient. Balbo cherche à concilier les croyances modernes qui ont convaincu son esprit avec les traditions auxquelles son cœur reste fidèle. Ces mélanges hybrides sont particuliers aux époques de transition. De même les poètes chrétiens des premiers siècles faisaient figurer l’Olympe dans la mythologie que crée toute religion, et mêlaient les demi-dieux aux anges et les saints aux héros. L’esprit humain, comme la nature, a besoin de transitions, et se refuse aux brusques

  1. Voyez à ce sujet le curieux chapitre IV de la Monarchia rappresentativa.