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Le berger dort auprès de ses chèvres frugales,
Et les bœufs sont couchés au pied des châtaigniers.
On n’entend plus dans l’air que les cris des cigales
Et des merles pillant les fruits des cerisiers.

Mais parmi les brins verts, ainsi qu’une ombre blanche,
On voit au loin glisser une robe à longs plis.
Et soudain les oiseaux perchés sur chaque branche
Au bruit croissant des pas s’envolent du taillis.

Rouge, les yeux brillans, le front ceint de verveines,
Par le chemin qui mène aux granges du clôsier[1],
La bien-aimée accourt émue, et les mains pleines
De grands coquelicots et de fleurs de fraisier.


II. — LE GRAND-PÈRE.


Dans ma cellule solitaire,
Où seul le souvenir me suit.
Que de fois j’ai songé la nuit
A la chambre où mon vieux grand-père
Vécut et s’endormit sans bruit!

Joyeuse chambre tapissée
D’un papier gris à grands dessins!...
Des résédas et des jasmins
Attiraient près de la croisée
Les mouches à miel par essaims.

Au bourdonnement des abeilles,
Du fond de sa cage, un pinson
Répondait par un gai fredon.
Et jamais depuis mes oreilles
N’ouïrent si douce chanson.

Sur les blanches dalles de pierre.
Un bruit retentissait soudain,
Accompagné d’un vieux refrain:
C’était la canne du grand-père
Qui résonnait sur le chemin.

Il entrait. Par la porte ouverte
La joie entrait à son côté,
Car l’âge l’avait respecté.
Et sa vieillesse fraîche et verte
Brillait comme un beau soir d’été.

  1. Métayer.