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dries. Malheureusement le principe de mutualité n’a pas encore été chez nous sérieusement appliqué à ce qui s’appelle proprement le crédit. Il n’en est pas de même dans un pays que la communauté de langage, d’opinions et de sentimens permet de considérer comme une terre française, la Belgique, où des sociétés mutuelles de crédit existent et fonctionnent avec succès depuis quelques années. C’est ce fait particulier qu’il a paru utile de signaler ici en y ajoutant l’examen d’un ouvrage qui tend à généraliser pour tout le royaume belge une institution sanctionnée par l’expérience à Bruxelles.

En 1848, une société dite de l’Union du Crédit se forma pour procurer au commerce, à l’agriculture, à l’industrie, aux travailleurs enfin de toutes les classes, les capitaux qui leur sont nécessaires dans la limite de leur solvabilité matérielle et morale. La solvabilité s’établit par l’admission dans la société, et le but de l’admission fut d’obtenir un crédit ouvert à chacun au prorata d’une demande faite dès l’entrée dans la société, et garantie 1° par une obligation signée à la même date, 2° par une première prime proportionnelle payée pour servir de fonds de roulement, 3° par une retenue opérée chaque fois qu’il était fait usage de tout ou partie du crédit obtenu, et destinée à couvrir les frais d’escompte, d’administration et même les risques.

Ce sont donc tous les intéressés à jouir du crédit qui composent seuls la société, qui la gèrent en nommant leurs administrateurs, et qui en outre recueillent, s’il y a lieu, les bénéfices obtenus, au contraire de ce qui existe dans les autres établissemens de crédit. Après paiement des risques et des frais généraux, le bénéfice se compose du restant des primes annuelles, de l’intérêt de l’escompte, du produit des retenues et du fonds de garantie. En 1848, les associés du nouvel établissement, réunis dans la pensée de remédier aux effets d’une grande crise financière, étaient au nombre de 228; en 1855, ils s’élevaient à 1,177, formant entre eux un capital de garantie de plus de 10 millions de francs, et le 1er janvier 1858 à 1,519, formant un capital de garantie de 15 millions. De 1848 à 1855, la prime de risque n’a pas dépassé en moyenne 12 centimes pour 100 francs, et la prime des frais généraux s’est maintenue aussi en moyenne à 14 centimes, soit ensemble 26 centimes pour 100 francs d’escompte. Pour neuf années, la somme des escomptes s’est élevée à 192 millions de francs; de 2 millions pour l’année 1848, elle a atteint en 1856 le chiffre de plus de 36 millions. Grâce à la mutualité, les membres de l’Union de Bruxelles, sur les emprunts à six semaines d’échéance en moyenne, ont payé leur crédit à raison de 2 1/3 pour 100 par an. Encore faut-il faire une remarque importante à ce sujet : les frais généraux se sont toujours accrus depuis l’origine de la société; ils représentaient 10 centimes pour 100 francs en 1849,