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même histoire, non parce qu’il est moins connu et qu’il n’a pas été suffisamment éclairci par la discussion, mais parce que les conséquences ne s’en sont pas encore complètement produites, et peuvent avoir une très grande portée. De tous les mots répétés avant et pendant les tumultueuses discussions de 1848, comme de toutes les idées approfondies et recommandées par la science vraie ou fausse de notre temps, nuls, à coup sûr, n’ont été plus populaires que le mot et l’idée d’association. Toute association repose sur une mutualité d’efforts, de risques et d’espérances. La mutualité a donc été le pivot sur lequel ont été établis beaucoup de systèmes, et par suite beaucoup d’entreprises, dont les succès ont singulièrement varié. Parmi celles dont la réussite a frappé tous les yeux, il suffit de mentionner la plupart des compagnies d’assurances établies en France contre l’incendie, sur la vie, contre les risques maritimes, et particulièrement la compagnie mutuelle de la ville de Paris. La caisse des retraites de l’état, les sociétés de secours et d’assistance pour la vieillesse, ont pour base la mutualité. Au fond, les banques d’actionnaires elles-mêmes reposent sur des principes analogues et vivent de la même garantie. Est-ce le fonds social de la Banque de France par exemple qui garantit le remboursement de tous les billets qu’elle escompte? Assurément non; c’est la solvabilité de chacun des commerçans qui ont apporté leur papier : il y a par conséquent, quoique d’une manière indirecte, garantie mutuelle. Dans les sociétés d’assurances à primes, le capital social n’est presque jamais réalisé. Le montant des sinistres est remboursé sur le produit des primes payées par les assurés. L’assurance au fond est donc mutuelle. On peut vraiment dire que tous les établissemens de crédit, crédit foncier, crédit mobilier, banques de dépôts avec ou sans intérêts, etc., reposent sur la mutualité. Seulement la mutualité est la plupart du temps exploitée par des actionnaires et à leur profit, tandis que, dans de véritables compagnies mutuelles, la mutualité peut et doit être exploitée au profit des assurés. Il n’est pas besoin de faire comprendre les différences qui en résultent. L’intérêt des actionnaires impose en effet des sacrifices aux emprunteurs en plus de la rémunération due aux prêteurs et de l’assurance contre les risques du remboursement, en sus même des frais nécessaires d’administration. Dans tous les établissemens qui, bien que reposant au fond sur la mutualité, ne sont pas des sociétés mutuelles pures, le crédit et l’assurance sont donc plus chers et par suite plus parcimonieusement distribués. Sous ce rapport, la société d’assurances mutuelles contre l’incendie de la ville de Paris présente un enseignement irréfutable, et montre à quel taux le principe de mutualité directement appliqué peut faire descendre les conditions de l’assurance, sans que pour cela les garanties de sécurité soient amoin-