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de tonneaux. L’extraction californienne, il est vrai, ne s’élève pas encore à 500 millions de francs; mais qu’aurait-elle à produire pour y arriver? 166 tonneaux du précieux métal qui lui a été départi. Dès aujourd’hui elle en produit près de 100, presque sans capitaux, et avec des bras insuffisans!


II.

Les questions qui touchent à l’émigration trouvent généralement peu d’écho en France, où s’expatrier semble de tous les partis le plus désespéré. Peut-être ne faut-il pas trop s’en plaindre; la population spécifique de notre sol n’est pas encore telle qu’il ne lui reste une ample marge de développement, et avant de songer à enrichir autrui, chacun conviendra qu’il est d’une saine charité de commencer par soi-même. Toujours est-il que l’attachement du Français pour sa terre natale se traduit en chiffres significatifs : tandis que dans la dernière période décennale l’Angleterre a compté jusqu’à 2,750,000 émigrans et l’Allemagne 1,200,000, la France n’en a même pas fourni 200,000. Encore ce nombre tendrait-il à baisser, car 1857 ne figure que pour 18,000 départs, dont 10,000 pour l’étranger et 8,000 pour l’Algérie, et il en avait déjà été à peu près de même en 1856.

Dans ce faible mouvement, la part de la Californie a été considérable. Dès 1853, un recensement y accusait la présence de 28,000 Français, arrivés dans la première moitié de cette période de dix ans qui constitue toute l’histoire du pays. Nos troubles politiques et les bouleversemens de fortune dont la France était alors le théâtre n’avaient pas peu contribué à amener ce résultat, dont profitèrent largement les nombreuses compagnies d’émigration connues sous les noms pompeux de la Bouche d’or, de la Toison d’or, etc. La loterie du Lingot d’or à elle seule avait amené près de 5,000 émigrans. On s’est souvent égayé des disparates qu’offrait cet assemblage d’hommes : d’anciens habitués des coulisses de l’Opéra y coudoyaient des professeurs de barricades sans emploi, des notaires, des artistes dramatiques, des abbés défroqués, y venaient tenter la fortune à côté d’hommes de lettres, de gardes mobiles ou d’ex-membres de la constituante de 1848; mais ces contrastes se perdaient dans l’incroyable bigarrure de la masse de la population. L’Australie avait tout d’abord envoyé son contingent, à la vérité plus nuisible qu’utile; les primitifs insulaires de l’Océanie, qui abandonnent si rarement leurs rians archipels, n’avaient pas résisté davantage à la contagion; il en était venu même de la Malaisie. Enfin la Chine avait également répondu à cet appel, et de