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Il faut examiner maintenant les obstacles artificiels qu’apportent à la consommation les taxes de toute nature qui la grèvent à l’étranger. Les droits de douane anglaise sont de 5 shillings par gallon (4 litres 5), soit environ 130 francs par hectolitre. Des droits pareils équivalent à de vraies prohibitions; ils expliquent comment une bouteille de bordeaux coûte un demi-louis dans une taverne de Londres, bien que les frais de transport de la Gironde à la Tamise ne soient pas plus coûteux que ceux d’une distance de cent lieues à franchir sur terre, et que l’Angleterre puisse s’approvisionner de nos vins avec autant de facilité que la plupart de nos provinces, que la Normandie, la Bretagne, et beaucoup plus aisément que tous nos départemens du nord. Aussi notre exportation est-elle relativement faible en Angleterre, où elle s’est réduite en 1857 à 49,123 hectolitres. Quoique moins élevés en Russie, où ils sont de 50 francs environ par hectolitre, les tarifs n’en réduisent pas moins la consommation dans ce pays, qui est appelé à devenir un jour un débouché lucratif pour nos vignobles. Ces taxes se maintiendront, il faut le dire, tant qu’elles auront chez nous leurs analogues. La protection que cet appareil défensif pourrait assurer à quelques branches de travail national est fort douteuse. Le mal qu’il fait à la plupart est incontestable. Qui en souffre? qui paie les frais de cette guerre de tarifs? C’est la marine, c’est l’agriculture. L’une est frappée d’interdit dans ses transports, l’autre ne peut écouler ses produits.

L’importance du commerce qui se fait avec les États-Unis (121,633 hectolitres de vin, et 30,066 hectolitres d’eau-de-vie) est la preuve la plus concluante du développement que peuvent prendre les exportations dans des pays même éloignés, à la seule condition que les tarifs d’entrée y soient modérés. Et encore si j’appelle modérée une taxe de 30 pour 100 de la valeur, c’est que je la compare à celle de l’Angleterre, qui est d’au moins 400 pour 100. Si, au lieu de 30 pour 100, ce droit était en Amérique aussi élevé qu’en Angleterre, nos expéditions y seraient presque nulles; si au contraire ce droit était réduit à 10 ou à 5 pour 100, notre exportation s’accroîtrait au moins du quart. Les navires faisant le transport de coton pourraient s’affréter de futailles au départ; il en résulterait dans les prix de cette matière première une réduction qui serait des plus profitables à notre industrie.

La Suède et la Norvège sont les pays d’Europe où nos expéditions de vin et d’eau-de-vie sont les plus faibles; elles s’y réduisent à quelques milliers d’hectolitres. Le peu d’importance de ce commerce tient moins à la rigueur des tarifs qu’à la pauvreté de ces pays, qui n’usent que très économiquement de nos productions agricoles et industrielles; leurs massifs navires nous arrivent à la