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Que les départs aient lieu de la Mer-Noire ou de la Baltique, le trajet maritime est long et la navigation des navires à voiles fort lente à travers les détroits et les archipels ; mais les plus grandes difficultés proviennent des transports par terre. Il y a peu de canaux ; les fleuves, gelés une grande partie de l’année, manquent d’eau en été. Il n’y a pas de routes, et cependant les charrois y sont plus commodes qu’en beaucoup de pays, qu’en France par exemple, grâce au traînage en hiver, qui est une véritable navigation sur une mer de glace. La grande ligne de chemin de fer qui traversera l’empire du nord au sud remédiera en partie aux inconvéniens de l’interruption que le dégel apporte dans le traînage, sauf à être parfois elle-même interrompue dans son parcours en hiver. Il est incontestable que les chemins de fer diminueront les prix de revient du blé exporté dans l’Europe occidentale ; l’économie dans les transports, par suite l’abondance des exportations, croîtront à mesure que la ligne centrale se complétera par des voies transversales. D’un autre côté, à mesure que le chiffre de la population s’élèvera, le sol, abandonné à des repos moins longs et soumis à une culture plus épuisante, perdra promptement sa fertilité première. Du reste, tant que la Russie produira du blé plus économiquement que les autres états de l’Europe, ceux-ci devront chercher à en profiter par l’échange de leurs propres produits. En France par exemple, les provinces du midi, qui conviennent mieux à la production du vin qu’à celle du froment, ne pourraient-elles point accroître l’une et restreindre l’autre, expédier le vin, leur produit naturel, pour recevoir le grain qui leur manque ? La marine tirerait un grand profit de cette combinaison.

Lorsque, partant de la Mer-Noire, nous suivons la voie de la Méditerranée, nous trouvons d’abord l’Asie-Mineure, terre morte aujourd’hui, si féconde autrefois, puis nous arrivons à cette oasis qu’un fleuve a créée dans le coin d’un vaste continent stérile. La fertilité de l’Égypte est exceptionnelle. Sol d’une alluvion riche et sans cesse renouvelée, climat chaud et champs arrosables, ce sont les meilleures conditions pour une production abondante. La médiocrité de la rente de la terre, le vil prix de la main-d’œuvre, contribuent à rendre cette production peu coûteuse. Grâce à ces avantages, l’Égypte est et restera par excellence le pays producteur de céréales. Son blé a toutefois l’inconvénient de contracter un goût détestable qui en limite l’emploi dans la boulangerie, et exige des mélanges avec d’autres grains. On n’est pas encore bien fixé sur la cause de cette détérioration. Tient-elle à des insectes ? Provient-elle d’un arôme particulier à la terre, ou du mode de préparation et de conservation du grain ?

La liste des pays producteurs se complète par les États-Unis, qui envoient régulièrement des grains et des farines en Europe. Ce pays