Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/854

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA MONARCHIE
DE LOUIS XV

V.
LE DUC DE CHOISEUL. — LA CHUTE DES PARLEMENS.



Après un règne semi-séculaire[1], Louis XV s’avançait vers la vieillesse en paraissant la défier par une recrudescence de libertinage, ne s’inquiétant plus du scandale depuis qu’il en avait comblé la mesure. Aux sacrifices que lui avait imposés un traité humiliant, la Providence ajouta des douleurs domestiques renouvelées coup sûr coup. En 1765, la nation perdit le dauphin dans la maturité de son âge, de son esprit et de ses vertus trop méconnues ; la dauphine ne survécut pas longtemps à l’époux qu’elle aimait d’un amour calme et fort comme lui-même. Le duc de Bourgogne, l’aîné de leurs fils, avait précédé ses parens dans la mort, et celle-ci frappa bientôt l’épouse dont l’héroïque pardon rouvrit pour un moment, chez Louis XV, la source des larmes à défaut de celle des remords.

Après soixante années, Versailles voyait donc recommencer avec l’ère des morts augustes celle des soupçons et des noires calomnies, car l’aveuglement des partis versait sur le duc de Choiseul toutes les amertumes qu’avait dû naguère épuiser le duc d’Orléans; mais combien le cours des idées avait changé depuis la funèbre année 1712, et avec quelle indifférence la nation n’assistait-elle pas cette fois à ces grandes épreuves du sort! Si la haine publique n’avait pas épargné

  1. Voyez la livraison du 15 janvier 1859.