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ment ; par l’immensité de son ensemble, par la petitesse de ses détails, la nature nous paraît digne d’avoir à plusieurs reprises occupé l’activité immédiate de Dieu.

M. Agassiz admet la théorie des créations, mais il diffère essentiellement de d’Orbigny en ce qu’il suppose des créations progressives; il pense que Dieu, à chaque époque géologique, a fait des êtres de plus en plus parfaits; il suppose que les divers types n’ont primitivement été représentés que sous les formes les plus humbles, sous des formes qui rappellent les embryons actuels. La théorie de ce naturaliste ne s’accorde pas avec les faits que d’Orbigny a rassemblés sur l’époque de l’apparition des êtres. Comme on a pu en juger par le résumé que nous avons donné, d’Orbigny a nié que les créations des premières époques géologiques aient produit en général des êtres moins parfaits que les créations les plus récentes; les formes des animaux anciens ne sont point les formes embryonnaires des animaux actuels. Il est vrai que les êtres des diverses créations présentent des points de ressemblance frappans : ils ont entre eux des traits communs qu’il est impossible de méconnaître; mais ces traits d’union ne sauraient prouver leur filiation. Le grand organisateur du monde a voulu sans doute qu’au milieu de leur diversité, les créatures gardassent l’empreinte de l’unité, attribut de sa puissance divine.

S’il est curieux de chercher comment les diverses générations des êtres fossiles ont apparu, il n’est pas moins intéressant de savoir comment elles ont disparu. Suivant l’opinion de plusieurs naturalistes, elles se seraient éteintes d’elles-mêmes; elles seraient mortes de vieillesse. Les sociétés, comme les individus, auraient une somme de vie qui s’épuiserait après un certain laps de temps. Cette idée est séduisante pour la raison; cependant d’Orbigny ne l’a pas acceptée, il l’a crue en désaccord avec les faits observés. Il a pensé que l’extinction des animaux avait été le résultat des grands bouleversemens géologiques. Nous avons dit que le monde a eu tour à tour ses temps de calme et ses temps de désordre ; les chaînes de montagnes se sont formées successivement : M. Élie de Beaumont a fait connaître les diverses époques de ces soulèvemens. On ne peut douter qu’ils n’aient occasionné des perturbations terribles à la surface du globe. Lors du tremblement de Lisbonne en 1755, la mer forma des lames de projection hautes de près de 20 mètres, qui envahirent plusieurs fois les côtes du Portugal, celles de l’Espagne près de Cadix, et même celles de l’île de Madère; sur la côte du Maroc, à Tanger, la mer franchit dix fois de suite ses limites et inonda le pays. A Kinsale en Irlande, la tourmente des flots enleva des navires en panne dans le port et les transporta sur la place du