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animaux avaient été trouvés en Angleterre, à Stonesfield, près d’Oxford. Cette découverte avait fait grand bruit; on s’étonnait que les recherches des géologues n’eussent encore abouti qu’à la rencontre de quatre espèces de mammifères dans les formations secondaires. Plusieurs naturalistes ont longtemps persisté à croire que ces animaux n’avaient paru que dans l’époque tertiaire. Les uns ont pensé que les fossiles de Stonesfield n’étaient pas des mammifères, mais des reptiles; les autres ont supposé qu’ils avaient vécu pendant l’époque tertiaire, et qu’ils avaient pu tomber dans quelques crevasses du terrain secondaire. Comme la question me semblait d’un grand intérêt pour l’histoire de la paléontologie, je me rendis à Stonesfield; je me fis descendre au fond du puits où l’on avait trouvé les ossemens en question : l’étude des couches me prouva que les quatre espèces de quadrupèdes appartenaient véritablement au terrain secondaire. Dans ces dernières années, on vient de découvrir d’autres mammifères fossiles dans les terrains secondaires de l’Angleterre, de l’Allemagne et de l’Amérique du Nord. Arrivera-t-on un jour à en rencontrer dans les terrains les plus anciens? Nul ne peut le dire. Les beaux travaux de MM. Murchison, de Verneuil, Barrande et d’autres savans géologues sur les couches de transition ont eu pour objet les êtres marins plutôt que les animaux terrestres. Nous sommes loin de connaître les dépôts formés sur les continens des anciens âges du monde comme nous connaissons les terrains déposés dans leurs océans. Or les mammifères et les oiseaux sont généralement terrestres. Laissons de côté les animaux fossiles qui ont vécu sur les continens, puisque les paléontologistes ont encore sur eux peu de renseignemens; quant aux êtres marins, il semble démontré qu’ils ne se sont pas perfectionnés, qu’ils ne sont point les produits de transformations successives.

Si les êtres ont été plusieurs fois renouvelés pendant la durée des temps géologiques et s’ils n’ont point eu le pouvoir de se transformer, il faut imaginer une force qui soit en dehors d’eux, et cette force, c’est la puissance immédiate de Dieu. Les vingt-six époques de d’Orbigny correspondent, selon lui, à vingt-six créations distinctes. Cette opinion a choqué plusieurs esprits. « Est-il raisonnable, a-t-on dit, de faire intervenir Dieu tant de fois dans des événemens purement matériels? A l’origine, l’auteur de la nature imprima aux élémens physiques, aux animaux et aux plantes la faculté de se transformer; le changement est le propre de tout ce qui est matière. » On peut répondre que parler ainsi, c’est quitter le domaine des faits pour entrer dans une sphère inabordable à l’esprit humain. Qui donc peut juger ce qui est plus ou moins digne de la puissance divine? Vous croyez la nature trop vile pour que Dieu s’occupe vingt-six fois de la réorganiser! Tel n’est pas notre senti-