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breux habitans : des oiseaux, des insectes. Cette époque tertiaire partagée par d’Orbigny en quatre périodes, bien qu’on en admette trois plus généralement, vit interrompre à plusieurs reprises le développement des êtres. D’abord surgirent les Pyrénées et les Apennins, plus tard les Alpes occidentales, plus tard encore la chaîne principale des Alpes, puis l’Etna, le Vésuve, etc.

Enfin les grandes perturbations cessèrent; la plupart des êtres anciens s’éteignirent; on vit naître ceux qui vivent aujourd’hui : l’époque quaternaire commença. L’homme pourtant ne fut pas créé dès les premiers temps de cette époque; il ne parut que beaucoup plus tard, lorsque toute la nature fut complètement organisée. Quand Dieu eut fait l’homme, ainsi que le dit le texte sacré, il se reposa : nous sommes les témoins de ce repos; la Providence laisse aujourd’hui dormir les grands agens physiques; de rares tremblemens de terre et des volcans viennent seulement de temps à autre nous avertir que rien n’est stable en ce monde : nous sommes dans une période géologique de tranquillité.

D’Orbigny a composé le Cours de paléontologie élémentaire pour démontrer l’existence des vingt-six étages qu’il a signalés : il a donné une description minutieuse de chacun d’eux; il a cherché à prouver qu’ils sont indépendans les uns des autres, et assuré qu’un très petit nombre d’animaux fossiles passe d’un étage dans un autre. Comme cette opinion est fondée sur la comparaison de plus de dix-huit mille fossiles, elle ne laisse pas d’avoir une grande valeur : le naturaliste discute sur des chiffres; il y a peu de chose à répondre à de tels argumens. On a prétendu, il est vrai, qu’il multipliait trop les espèces; « lorsqu’il trouve, disait-on, deux coquilles fossiles dans des terrains différens, il sépare souvent sans motifs suffisans ces coquilles en deux espèces. C’est ainsi qu’il arrive à voir chaque terrain caractérisé par des espèces spéciales. » Ce même reproche de multiplier outre mesure les espèces est adressé à la plupart des zoologistes. On les accuse d’ériger de simples variétés en espèces, d’encombrer la science de nouvelles désignations. Il est bien vrai que le nombre des noms d’espèces augmente tous les jours : la mémoire humaine n’est plus capable de les retenir; mais parce que nous ne sommes pas en état d’embrasser l’étude de tous les êtres de la nature, faut-il nier leur existence?

Non-seulement d’Orbigny admit un très grand nombre d’étages, mais encore il supposa que ces étages étaient les mêmes dans tout le monde. « Les étages, dit-il, que nous avons adoptés sont l’expression des divisions que la nature a tracées à grands traits sur le globe entier, » Il paraît que dans le Haut-Pérou, au Chili, en Colombie, dans l’Alabama, au Texas, à New-York, au Canada, à Pondichéry, à Coutch, dans le nord de l’Oural, on a trouvé les mêmes