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vrent les naturalistes. Si les architectes n’y puisent pas des types d’ornementation pour les temples et les palais, au moins les dessinateurs de tissus employés pour les tentures et les vêtemens y trouveront des modèles variés et originaux. Lorsque les collections de d’Orbigny seront exposées dans les galeries du Muséum d’histoire naturelle, nul doute que la série des bryozoaires ne devienne un des principaux objets de l’admiration des connaisseurs. Chaque espèce est séparée dans des tubes de verre longs seulement de quelques millimètres, et la plupart de ces tubes si petits renferment une multitude d’échantillons microscopiques dont la simple énumération serait un travail immense.

Si ténus que soient les bryozoaires, il existe encore des animaux fossiles beaucoup plus exigus : ce sont les foraminifères de d’Orbigny. Trois grammes de sable des Antilles ont fourni à l’observateur quatre cent quatre-vingt mille coquilles de ces petits êtres. Une partie du sol des environs de Paris est formée de leurs dépouilles, leur entassement a fini par composer les masses de pierres que nous exploitons pour nos monumens; on peut dire qu’ils sont les premiers constructeurs de notre grande capitale. Avant d’Orbigny, on n’avait que des idées confuses sur les foraminifères, les coupes génériques avaient été multipliées sans discernement; c’est lui véritablement qui a fait connaître cet ordre d’animaux. Il a décrit les foraminifères de l’Amérique méridionale, des Antilles, des Canaries, de Meudon près Paris, de Vienne en Autriche.

Même dans ses plus minutieux travaux de description, ce naturaliste intercala des résumés où il reprenait les détails pour en tirer des lois générales : son regard semblait avoir besoin de vastes horizons. L’immense cadre de la Paléontologie française lui parut trop étroit. D’Orbigny essaya de décrire tous les mollusques et tous les rayonnes fossiles, ceux de l’étranger aussi bien que ceux de la France : il fonda la Paléontologie universelle. Voulant aussi considérer à la fois les animaux de l’époque actuelle et des temps passés, il commença l’Histoire des Mollusques vivons et fossiles. Ces entreprises étaient chimériques; les facultés de tout homme sont bornées. Forcé de renoncer à décrire tous les mollusques et tous les rayonnes fossiles connus dans le monde, d’Orbigny voulut du moins en former le catalogue systématique. Ce catalogue, publié sous le nom de Prodrome de paléontologie, occupe trois volumes; il renferme plus de dix-huit mille espèces, classées suivant les périodes géologiques. Ce fut une œuvre immense. Il faut être un profond naturaliste pour négliger les caractères secondaires qui constituent la variété, et s’attacher aux caractères fixes qui limitent l’espèce. Pour savoir si un échantillon a déjà été décrit, pour se reconnaître