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REVUE MUSICALE.
LE THEATRE-ITALIEN. — LES CONCERTS.


Les jours se rallongent et les fêtes musicales se multiplient, malgré les symptômes de perturbation qu’on aperçoit à l’horizon du monde politique et du monde financier, qui en supporte le fardeau. Comme l’amour, les arts sont de toutes les saisons, et rien ne se fait sans le concours de la musique surtout, puisqu’elle intervient jusque dans la guerre que se font les hommes au nom de la justice. En attendant, le Théâtre-Italien court de belle en belle et s’efforce de mettre sous les yeux d’un public de plus en plus empressé les œuvres diverses de son vaste répertoire. M. Verdi et ses mélodrames incandescens ne pouvant plus satisfaire la curiosité dévoyée des amateurs, on revient un peu à la grande musique, à celle qui a été faite pour être exécutée par des voix humaines, et non pour des trombones ou des cornets à piston. On a donc repris, le 4 janvier, la Semiramide de Rossini avec Mme Penco dans le rôle formidable de la reine de Babylone, Mme Alboni dans celui d’Arsace, et un nouveau venu, M. Badiali, qui s’est chargé de la partie d’Assur sans en être écrasé, bien au contraire, en sorte que le succès de la représentation n’a pas été trop au-dessous de l’attente des gens difficiles, lesquels, ayant beaucoup vécu, ont beaucoup entendu et beaucoup retenu, hélas !

Le sujet de Sémiramis a été bien souvent traité par les maîtres de l’ancienne école italienne. Jomelli d’abord a écrit, vers 1753, un opéra de ce nom, puis est venu Gyrowetz, un compositeur bohème qui a joui pendant sa vie d’une grande célébrité, et dont la Semiramide, écrite pour le Théâtre-Italien de Londres dans les dernières années du XVIIIe*" siècle, a eu du retentissement. Portogallo a composé à Lisbonne, en 1802, un opéra de Semiramide pour la voix splendide de la Catalani, qui a colporté dans toute l’Europe un air bien connu : Son regina. Dans la même année, le 4 mai 1802, un savant musicien français, Catel, faisait représenter sur la scène de l’Opéra une Sémiramis en trois actes, dont le succès d’estime n’est pas oublié. De tout cela, le public ne connaît guère que le chef-d’œuvre que Rossini a composé à Venise en 1823 pour sa femme, autrefois Mlle Colbran, pour la Mariani, dont la voix de contralto égalait la beauté de l’artiste, et pour Galli, qui a créé le rôle d’Assur, de Fernando dans la Gazza ladra, et de Mustafa dans l’Italiana in Algieri. La Semiramide fut donnée à Paris pour la première fois en décembre 1825, et toutes les grandes cantatrices s’y sont produites depuis dans les deux rôles importans de soprano et de contralto. Mme Pisaroni a débuté dans le rôle d’Arsace le 26 mai 1827 avec Mme Sontag qui chantait celui de Sémiramis. Les amateurs n’ont pas oublié l’effet prodigieux de ces premiers mots du récitatif d’Arsace, à son entrée en scène : Eccomi al fine in Babilonia ! Mme Pisaroni, en les articulant avec