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dans cet expédient. La diplomatie, on le sait, n’est point inventive, elle ne crée pas. Les congrès suivent et ratifient les combinaisons que les événemens ont déjà opérées dans les choses : ils n’ont point l’initiative de ces combinaisons, et ne les devancent pas. Si c’est le gouvernement temporel du pape qui est enjeu, comme le précédent du congrès de Paris le donne à penser, comment le congrès qui s’arrogerait le droit de trancher une question si délicate serait-il composé ? Serait-il formé exclusivement par les grandes puissances ? Mais ce serait une usurpation sur la souveraineté des puissances de second ordre. Le pape ne consentirait évidemment point à soumettre ses droits souverains à un tel arbitrage. D’ailleurs le pouvoir temporel du pape est considéré par les catholiques comme la première garantie de l’indépendance spirituelle du saint-père ; la question du pouvoir temporel du pape est donc une question religieuse, une question essentiellement catholique. Or, parmi les cinq grandes puissances de l’Europe, deux seulement sont catholiques ; la compétence d’un congrès ainsi composé serait déniée par la catholicité tout entière. L’expédient d’un congrès pour régler les affaires d’Italie avant que les souverainetés entre lesquelles l’Italie est partagée se soient mises d’accord par des négociations particulières sur les combinaisons qu’il s’agirait de soumettre à une sanction européenne est donc une chimère. Il faut revenir au seul moyen régulier, au seul qui se concilie avec les droits des souverainetés, aux négociations particulières. C’est par cette voie que le bon sens et la sagacité de la diplomatie doivent s’efforcer de trouver des combinaisons acceptables et de les faire agréer. Déjà sans doute les imaginations sont en travail. Parmi les combinaisons possibles, il en est une qui est mise en avant par quelques amis de l’Autriche, et au succès de laquelle l’on assure que s’appliquent activement des têtes couronnées ou presque couronnées. Il s’agirait de décider l’Autriche à faire des provinces lombardo-vénitiennes un royaume indépendant à la tête duquel serait placé l’archiduc Maximilien. On prétend que cette idée ne serait point nouvelle à la cour d’Autriche. Elle apporterait peut-être, si elle était adoptée à Vienne, une simplification momentanée dans les affaires d’Italie. Nous doutons pourtant que dans les circonstances actuelles elle obtienne la sanction de la cour d’Autriche, malgré l’influence et le zèle des grands personnages auxquels on l’attribue.

Devant une situation aussi extraordinaire que celle qui s’ouvre à l’Europe, toute autre affaire que la question italienne laisse l’attention publique indifférente. Turin, qui, dans cette nouvelle phase politique, prend aux yeux du monde un éclat particulier, a été depuis quinze jours occupé des préparatifs et des fêtes du mariage du prince Napoléon-Jérôme et de la jeune princesse fille du roi Victor-Emmanuel. Malgré la solennité de ces fêtes, que l’on nous permette de ne point oublier un des derniers actes du prince Napoléon avant son départ de France : nous voulons parler de sa lettre au gouverneur de la Réunion, mettant fin aux engagemens des noirs sur la côte orientale d’Afrique. Nous avons trop insisté sur les inconvéniens du système des engagemens pour ne pas féliciter le prince Napoléon d’une mesure si conforme à l’esprit de libéralisme qu’on se plaît à lui reconnaître. Le parlement piémontais a fait preuve d’une sage réserve sur les questions ita-