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étrangère, campée elle-même et fortifiée sur une des plus riches portions du territoire italien : l’influence de l’Autriche. Ainsi le seul lien d’unité qui, à l’exception du Piémont, relie, à l’heure qu’il est, les divers gouvernemens de la péninsule, n’est point l’identité de race et de langage, l’affinité des véritables intérêts nationaux ; c’est la chaîne d’une influence étrangère se manifestant partout sous la forme des interventions militaires. Il est impossible, lorsqu’on demeure fidèle aux sentimens du libéralisme désintéressé, de ne pas proclamer que cette situation est mauvaise ; il est impossible de ne pas souhaiter qu’elle finisse, il est impossible de refuser ses sympathies à ceux des Italiens qui travaillent à y mettre un terme. Il y a en Italie, comme partout dans le monde moderne, des âmes et des esprits d’élite imbus de ce sentiment de la dignité de l’homme et de ce zèle de l’amélioration de la race humaine qui ne peuvent trouver que dans l’indépendance nationale et dans la liberté politique leur satisfaction et le développement de leur généreuse activité. Il y a en Italie des populations qui ont un droit imprescriptible, droit plus vivement senti que jamais à notre époque, à être équitablement et habilement administrées, à être bien gouvernées. Quel est l’obstacle que rencontrent ces impérieux besoins des peuples et ces invincibles aspirations des âmes ? À Naples, à Tome, à Modène, en Toscane, partout, c’est le même, disent les Italiens : c’est l’Autriche. C’est l’Autriche qui, dans l’intérêt supposé de la conservation de ses possessions du nord de l’Italie, soutient maladroitement les mauvais gouvernemens de la péninsule dans leurs impopulaires résistances ; c’est l’influence étrangère qui s’oppose partout aux réformes graduelles qui permettraient au génie national de reprendre conscience et possession de lui-même ; c’est cette influence qui force l’Italie dans ce dilemme odieux : Tout ou rien ; — ou la révolution avec son ingouvernable anarchie, ou le despotisme avec ses sombres désespoirs.

Nous ne cherchons pas, on le voit, à dissimuler la difficulté de la question italienne. Libéraux, nous regarderions comme une lâche désertion de nos principes toute atténuation des justes griefs des libéraux italiens ; amis pratiques de la paix, nous considérerions comme une faute puérile de masquer sous de vaines illusions la gravité de la lutte qui est engagée en Italie. Nous ne sommes point pour notre compte des ennemis aveugles et passionnés de l’Autriche : nous croyons volontiers que ses possessions italiennes sont, le Piémont toujours excepté, la portion la mieux administrée et la plus habilement gouvernée de la péninsule ; nous rendons justice aux bonnes intentions qu’elle a témoignées en plaçant l’archiduc Maximilien à la tête du royaume lombard-vénitien ; nous savons gré au jeune archiduc de l’excellent et honnête esprit qu’il a montré dans les difficiles circonstances où il a été placé. Nous nous bornons à signaler la fatalité de la situation à laquelle l’Autriche est arrivée en Italie. Il n’a pas dépendu d’elle en effet que l’Italie ne demeurât dans le dilemme que nous venons d’exprimer par ces mots : tout ou rien. L’Autriche était forte et pour ainsi dire inexpugnable dans cette position, tant qu’elle n’avait en face d’elle d’autres adversaires que des carbonari, des sectaires de sociétés secrètes et des mazziniens. Il n’en a plus été de même le jour où, grâce à l’initiative du roi Charles-Albert, il y a eu en Italie un royaume national et libéral. Ce jour-là, l’Autriche a vu se lever