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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier 1859.


Aucun fait, nulle manifestation officielle, n’ont éclairci encore les doutes redoutables qui pèsent depuis un mois sur l’opinion de l’Europe. L’on n’a pas cessé d’ignorer s’il y a entre les gouvernemens des questions réellement posées d’où puisse dépendre la paix ou la guerre, et quelles seraient ces questions. Sans la gravité des intérêts qui sont en jeu dans cette terrible incertitude, le désarroi de l’esprit public prêterait à une peinture de comédie. Les malheureux journaux, qui ont perdu l’habitude d’allumer leur lanterne, exécutent du jour au lendemain les évolutions les plus contradictoires. Ils s’adressent à la Bourse pour conjurer la panique des intérêts. De quoi s’inquiète-t-on, grand Dieu ? Il n’y a rien ; il n’y a que la question de Servie, et sur cette question chaque puissance a dit son fait à l’Autriche, et quelques-unes, l’Angleterre par exemple, ont parlé plus haut que la France, et l’Autriche enfin a complètement capitulé devant l’article 29 du traité de Paris. À la bonne heure : la foule fait mine de reprendre confiance. « Vous n’y êtes pas ! lui crient les optimistes de la veille ; prenez garde de vous trop rassurer. » Nouvel effroi donc ; mais l’on n’en a point fini avec ces sages et fiers régens de l’opinion : voilà qu’ils font honte aux pacifiques intérêts du commerce et de l’industrie de leur pusillanimité. « La paix ou la guerre, de quoi vous mêlez-vous, bonnes gens ? Travaillez, engagez vos capitaux ; l’ignorance n’est-elle pas la meilleure condition de la sécurité ? Soit ; mais cette heureuse ignorance donne pleine carrière aux nouvellistes, et qui n’a pas eu sa part depuis un mois de cette misérable infirmité, si commune sous l’ancien régime, et dont se sont tant moqués nos moralistes classiques ? Il y a les deux courans de nouvelles, celui de la paix et celui de la guerre. « La guerre est impossible, » dit l’un ; l’ami de l’ami d’un membre du comité de remonte lui a affirmé qu’il ne se fait pas d’achats de chevaux, et que la moitié de notre cavalerie est démontée. « La guerre