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ment érigé, dit-on, avec des offrandes milanaises en l’honneur de l’armée sarde. Cette statue représente simplement un officier piémontais vigoureux et résolu. D’une main il tient le drapeau, et il a l’autre main sur son sabre. Son regard semble fixer un but invisible, et, dans son immobilité, on dirait qu’il est en marche. N’est-ce pas un peu l’image de ce peuple militaire et libéral qui cherche sans cesse à conformer ses destinées à ses désirs ?

Voilà donc la situation telle qu’elle apparaît au-delà des Alpes. D’un côté, l’Autriche, placée en Italie par les traités et réduite à gouverner militairement des populations qui résistent, maintient par la force une domination toujours en péril. Pour se défendre à Milan, elle est obligée d’être partout, et en étendant partout son influence, elle fait la faiblesse des gouvernemens qu’elle soutient ; elle contribue, sans le vouloir, à entretenir dans la péninsule un vaste foyer d’incandescence où des passions révolutionnaires de toute sorte se mêlent à un instinct légitime d’indépendance. D’un autre côté, le Piémont, cerné de toutes parts et enfermé dans un cercle d’interventions à main armée, peut se sentir indirectement menacé par cette prépondérance envahissante. Il n’a pas des forces égales à celles de l’Autriche ; mais il peut s’armer contre elle de tous les instincts d’indépendance froissés et de tous les griefs de populations mécontentes. Il n’ébranle pas la domination impériale par ses soldats, il peut la rendre tous les jours plus impossible par son esprit, par la force expansive de ses institutions, par le retentissement de ses paroles, par cette attraction qu’exerce toujours un foyer de nationalité et de liberté. S’il est un fait éclatant dans cet épisode de l’histoire contemporaine, c’est qu’il y a une force des choses que des volontés impatientes peuvent presser ou que de prévoyantes sagesses peuvent atténuer et adoucir, mais qui existe. La question italienne est dans la situation de l’Autriche, dans les inquiétudes, ou, si l’on veut, dans les espérances du Piémont, dans les conditions de la péninsule tout entière. Joignez à ceci un certain état de l’Europe qui aggrave ou pallie alternativement toutes ces complications dont l’Italie est l’éternel foyer. S’il est un fait également significatif dans cet ensemble de circonstances, c’est que le Piémont a au-delà des Alpes un rôle exceptionnel qu’il doit à ses traditions et à son esprit, retrempé par ses institutions nouvelles ; mais comment le Piémont peut-il servir l’Italie ?

Il y a, on le sait, bien des manières d’entendre l’indépendance italienne ; il en est qui sont aussi périlleuses que peu efficaces, et qui, en allant se perdre dans des rêves impossibles, n’arrivent qu’à laisser la péninsule sous l’impérissable joug. L’unité de l’Italie est assurément une de ces chimères qui ont des prétentions à la gran-