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rieurs. La démagogie n’existe pas. M. Mazzini lui-même a été obligé l’an dernier de suspendre la publication de son journal, l’Italia del Popolo. C’est ainsi que le Piémont, progressivement pacifié par la liberté, rendu à lui-même en quelque sorte, a pu reprendre peu à peu ses traditions de politique nationale, un moment enfouies sous le désastre de Novare.

C’est qu’en effet, on ne saurait s’y méprendre, il est entre ces deux questions un lien indissoluble. Une politique libérale à Turin devait être bientôt nécessairement une politique nationale, je veux dire une politique s’inspirant de l’idée de l’indépendance italienne. L’Autriche le sentait en 1849, et sans doute elle eût volontiers exonéré le Piémont de la contribution de guerre qu’elle lui imposait, si le Piémont eut consenti à son tour à sacrifier ses institutions nouvelles. Dès que le statut était maintenu, l’antagonisme subsistait. « Notre liberté, disait il y a un an un des orateurs du parlement piémontais, M. Farini, — notre liberté est un tourment pour l’Autriche. Je dirais que c’est une permanente conspiration bien plus efficace que celle des sectes. Cette tribune, d’où nous répandons en Italie et en Europe nos opinions et nos discussions, cette tribune est un continuel attentat contre la prépondérance autrichienne en Italie. Les discours mêmes de nos adversaires politiques sont une conspiration. Le comte Solar della Margarita conspire quand par ses discours il provoque mes réponses… » Cette politique italienne du Piémont, comment s’est-elle développée depuis dix ans ? Elle a eu des phases diverses, elle s’est appelée M. d’Azeglio, puis M. de Cavour. Au fond, avec des tempéramens différens, elle a toujours suivi la même voie, et elle procède d’une double pensée. Depuis le jour où la fortune lui fut infidèle à Novare, le Piémont a tendu sans cesse à refaire sa position en Europe par des traités de commerce, par des efforts multipliés pour améliorer ses relations anciennes et nouer des rapports nouveaux, par toutes les garanties qu’il offrait, et à mesure qu’il sentait son crédit moral renaître, sa position s’affermir en Europe, il dévoilait sa politique vis-à-vis de l’Autriche. Le point de jonction de ces deux pensées a été la guerre d’Orient, où le Piémont allait hardiment chercher en Crimée le droit d’évoquer la cause italienne dans les conseils diplomatiques. Dès 1853, le séquestre mis par l’Autriche sur les biens des émigrés lombards résidant en Sardaigne avait montré, il est vrai, ce qu’avaient de difficile et de précaire les rapports établis par les derniers traités entre le cabinet de Vienne et le cabinet de Turin ; mais c’est au congrès de Paris surtout que se dessinait et s’avouait l’antagonisme, et M. de Cavour, revenu à Turin, ne dissimulait nullement la gravité de la situation nouvelle. « Les plénipotentiaires de l’Autriche et