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présente, il y a un péril. L’Autriche est indubitablement dans son droit derrière les frontières de la Lombardie ; dès qu’elle paraît dans les autres parties de l’Italie, c’est un risque, c’est une tentative de la force qui peut appeler la force, et c’est ainsi que cette politique, qui est la sauvegarde de la position de l’Autriche en Italie, — qu’elle soit une nécessité ou un entraînement, — laisse la sécurité de l’Europe à la merci d’un incident imprévu ou d’un entraînement contraire.

La politique de l’Autriche au-delà des Alpes a de bien autres conséquences pour les états italiens eux-mêmes ; je pourrais dire qu’elle atténue chez ces gouvernemens le sentiment de la responsabilité. Elle les dépouille aux yeux des peuples de tout prestige d’indépendance ; elle pèse sur eux, et, en leur offrant un secours matériel, elle multiplie autour d’eux les inimitiés et les haines. Par un enchaînement qui n’a rien que de simple, plus le poids de l’Autriche se fait sentir, plus l’esprit populaire s’irrite sous cette pression d’un pouvoir étranger, et plus les passions révolutionnaires s’exaltent à leur tour, plus l’intervention autrichienne se déploie hardiment, parce qu’elle se sent nécessaire ; au milieu de ces perplexités qui s’appellent, qui s’engendrent mutuellement, les gouvernemens, inquiets, craintifs, soupçonneux, vivant dans des transes perpétuelles, finissent toujours par se tourner vers l’Autriche, dont la tutelle les compromet un peu plus. Ainsi vont les choses. L’Autriche, il faut le dire, l’Autriche est un poids en Italie, elle n’est pas une influence. Elle rend aux gouvernemens italiens le mauvais service de les dépopulariser, et elle les tient sous sa dépendance par les dangers mêmes auxquels elle les expose.

De quoi peuvent être frappées les populations ? Elles voient le duc de Modène qui, toujours sûr de l’appui des forces impériales, maintient la bastonnade dans ses états, qui, par des décrets récens, édicté des amendes de deux mille livres contre les parens qui envoient leurs enfans faire leur éducation à l’étranger, et ferme à ces enfans eux-mêmes l’entrée de toutes les fonctions et de toutes les professions. Elles voient dans la Romagne l’autorité du souverain annulée, des commissions militaires jugeant les délits ordinaires aussi bien que les délits politiques, le droit de condamnation et de grâce passant aux mains des généraux autrichiens. Elles sentent le joug étranger, non-seulement parce qu’il entretient cet état permanent de désordre, non-seulement par ce qu’il a de blessant pour tous leurs instincts d’indépendance civile, mais encore parce qu’il a de matériellement onéreux. Six ans d’occupation ont coûté autrefois à Naples 85 millions de ducats. La présence des Autrichiens à Bologne fait peser sur ces contrées des charges accablantes. Et voyant