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gloire, les attacher en haut, essayer de les mener à la réalité par des songes. » Sa politique brillante avait pu contribuer à donner l’essor aux intelligences, à soutenir l’élan de la poésie et des lettres, à développer la passion des grandes choses. La guerre d’Espagne et les projets qu’il formait pour l’établissement de monarchies bourboniennes en Amérique étaient de nature à flatter l’orgueil de la France. Depuis qu’il avait quitté le pouvoir, il ne cessait de solliciter l’attention du gouvernement en faveur des Grecs ; son cœur se soulevait à la pensée d’une nation chrétienne opprimée par la stupide et sanglante barbarie des Turcs. Ses notes, ses articles de journaux, ses discours à la chambre des pairs, sa présence assidue au comité philhellène de Paris, entraînèrent le gouvernement dans la politique qui aboutit à la bataille de Navarin, à l’expédition de Morée et à la délivrance décisive de la Grèce. La monarchie de Charles X n’a pas dû regretter de suivre d’aussi magnanimes conseils ; le souvenir d’une grande œuvre accomplie a pu ainsi survivre à sa chute. Mais si Chateaubriand, depuis sa sortie du ministère, continua, par son action sur l’opinion, d’inspirer noblement la politique étrangère de la France, s’il combattit à l’intérieur les projets rétrogrades du gouvernement, d’où vient que cette seconde opposition, monarchique et libérale tout ensemble, est le sujet d’un perpétuel reproche à sa mémoire ? Me doit-on pas lui tenir compte de sa conversion, même tardive, au système qu’il avait combattu jadis ? On le devrait, si sa conversion avait été parfaitement sincère et désintéressée de tout sentiment personnel. On ne peut guère par malheur avoir de doutes sur les motifs intimes de son mécontentement quand on le voit recommencer la guerre systématique dont il avait pris autrefois l’habitude, et attaquer par exemple les dispositions qui devaient rendre praticable la loi réparatrice sur l’indemnité des émigrés, afin d’en retirer l’honneur à son ancien collègue. D’ailleurs il avait la franchise de ne pas dissimuler qu’il combattait surtout en M. de Villèle l’auteur de sa destitution ; il le répète en cent endroits de sa polémique : parce qu’on a rejeté sa personne, il se croit obligé à s’éloigner du ministre ; parce qu’on lui a porté les premiers coups, il regarde comme fort naturel de les rendre. « Il fut un temps, dit-il, où M. Le président du conseil n’avait à combattre que cette opposition naturelle qui éclaire le pouvoir. » Il avoue donc qu’il cherche beaucoup moins à éclairer le pouvoir qu’à le renverser, et pour ne pas laisser le moindre doute à son ennemi, pour le convaincre du casus belli si redoutable à sa tranquillité, il ajoute : « Que M. Le président du conseil descende maintenant dans sa conscience, qu’il se demande quand et comment les divisions ont commencé ! depuis quelle époque les vieux serviteurs du roi et les amis des libertés publiques se sont à la fois retirés de lui ! Qu’il dise si depuis le jour