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redevance insignifiante, les pâturages communaux, le tout au très grand détriment de la classe vraiment nécessiteuse, dont ils prétendent cependant prendre la défense, quand on parle de restreindre les abus de leur propre jouissance. Ils agissent ainsi comme nos fabricans protectionistes, qui disent s’opposer au libre échange, non dans leur propre intérêt, mais seulement dans celui de leurs ouvriers. Un pareil état de choses, qui est en définitive la spoliation de ceux qui ne possèdent rien par ceux qui possèdent, puisque les biens communaux sont à tous et qu’ils ne profitent qu’à quelques-uns, ne présente donc rien qui doive en faire regretter le maintien. Bien loin de nuire à la masse de la population, le reboisement entrepris sur une grande échelle exigera l’emploi de nombreux ouvriers qui trouveront, d’abord dans l’exécution des travaux de plantation, et plus tard dans l’exploitation des forêts, une source de bien-être que ces terrains, aujourd’hui abandonnés au parcours, sont loin de leur fournir.

Le pâturage étant le principal obstacle au reboisement des montagnes, il faudrait peut-être chercher plutôt à entraver qu’à encourager cette industrie telle qu’elle s’exerce actuellement, par conséquent supprimer la prohibition et réduire considérablement les droits qui frappent encore à l’entrée en France tous les produits où la laine et les peaux figurent comme matière première. Si le décret du 14 janvier 1853, qui a réduit à 25 c. par tête le droit d’entrée sur les moutons, et à 10 c. celui sur les chèvres, était complété par la suppression de la prohibition qui frappe encore les draps, la bonneterie, les filés, etc., et par la réduction des droits qui pèsent si lourdement sur les laines, les couvertures, les tapis, etc., on arriverait peut-être, chez nous, à transformer d’une manière très avantageuse l’industrie de l’élève du mouton. La production de la laine se trouvant ainsi découragée dans une certaine mesure, on s’attacherait plus spécialement à celle de la viande, et l’on serait alors naturellement conduit à substituer la stabulation, qui se propose surtout le développement de cette dernière, au pâturage, qui a plus spécialement en vue le rendement en laine. Le nombre des moutons n’en serait certainement pas diminué, car le produit d’un hectare bien cultivé peut en nourrir autant que cinquante dans l’état actuel. En tout cas, on ne ferait plus payer à la France entière un impôt fort lourd pour le maintien d’une situation aussi déplorable.

Une fois les terrains à reboiser entre les mains de l’état, les travaux pourront s’effectuer en un certain nombre d’années consécutives, et ne présenteront plus que des difficultés dont le personnel de l’administration forestière sera parfaitement à même de triompher, et dans le détail desquelles il est superflu d’entrer ici. Sa tâche