Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/660

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’exemption de l’impôt est déjà, pour les travaux de ce genre, inscrit dans la loi ; quels résultats a-t-il produits ? Aucun. La plupart de ces terrains sont peu productifs, et les impôts dont ils sont grevés sont par suite trop peu importans pour que l’exemption puisse décider le propriétaire à modifier son système d’exploitation, s’il n’y trouve pas d’ailleurs son avantage. Ces dégrèvemens ne sont après tout qu’une prime déguisée. Or de deux choses l’une : ou la prime sera faible, ou elle sera élevée. Dans le premier cas, elle ne produira certainement aucun résultat ; dans le second, elle imposera à l’état, sans aucun profit pour lui, et sans lui donner moyen de rentrer dans ses avances, des charges fort lourdes pour arriver à un résultat problématique. Ainsi que nous venons de le dire, même en admettant que ces terrains soient reboisés, rien ne garantit que les forêts se maintiendront à cet état désirable, et il resterait toujours à trouver les moyens d’en empêcher le défrichement à l’avenir. Quant aux distinctions honorifiques, peu onéreuses il est vrai pour le trésor, si elles séduisent certains esprits, elles en laissent beaucoup d’autres indifférens ; d’ailleurs elles supposent des propriétaires assez riches pour acheter par de grands sacrifices une simple satisfaction d’amour-propre.

Tous ces moyens sont en définitive complétement insuffisans et propres tout au plus à engendrer une illusion dangereuse : ils ne peuvent trouver faveur que chez ceux qui n’ont fait qu’une étude incomplète de la question, et ne satisfaire que les esprits timorés qui, n’osant pas envisager de face une difficulté sérieuse, s’imaginent, en se la dissimulant, la vaincre plus facilement, et reculent devant les conséquences qu’impose une situation donnée. Il ne reste donc plus que l’expropriation pour cause d’utilité publique et le reboisement par l’état, et à son profit, des terrains où cette opération aura été reconnue nécessaire. Ce principe de l’expropriation ne doit sans doute être invoqué qu’avec la plus extrême réserve : c’est un premier pas fait sur une pente au bas de laquelle se trouve le communisme ; mais si l’on arrive à prouver que ce seul moyen qui nous reste est à la fois équitable et moins attentatoire que tous les autres à la liberté individuelle, on aura réussi, pensons-nous, à rallier autour de cette opinion les partisans les plus absolus du self-government.

Il serait à désirer que l’état fût détenteur de toutes les forêts dont la conservation aurait été jugée nécessaire au point de vue du climat, de la salubrité, du régime des eaux ou de la défense du territoire, parce que les services qu’elles rendent dans ces circonstances intéressent la société tout entière, et non pas seulement leurs propriétaires, et qu’il n’est d’ailleurs pas juste d’exiger d’un individu, dans un intérêt général, le maintien d’un terrain en na-