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c’est y constater l’urgence d’un reboisement sur une très grande échelle.

On compte dans cette partie de la France huit chaînes principales : les Pyrénées, les Cévennes, les monts d’Auvergne, du Vivarais, du Forez, du Charolais, le Jura et les Alpes françaises. On conçoit que dans un pays aussi accidenté les conditions d’existence soient extrêmement variables. On y trouve en effet tous les élémens de la richesse à côté de toutes les causes de ruine et de pauvreté. Ce n’est pas seulement d’une contrée à l’autre que se produisent ces contrastes ; on voit souvent dans un même département se présenter la misère dans toute son horreur à côté d’une prospérité remarquable. Dans l’Isère, en face de la belle et fertile vallée du Graisivaudan, se dressent les rochers dénudés des Alpes ; dans le Var, la partie septentrionale du département contraste tristement avec la partie méridionale, couverte d’oliviers et d’orangers ; les plaines arides de la Camargue et de la Crau paraissent peu se ressentir de la prospérité et de la proximité de Marseille. Partout cependant où ne manquent pas les eaux, la fertilité des plaines et des vallées est exceptionnelle ; quelques-unes d’entre elles, comme la Limagne et la plaine de Nîmes, comportent deux et trois récoltes par an. La garance, la vigne, l’olivier, le mûrier, constituent les principales richesses agricoles de ces contrées. Le département de Saône-et-Loire, grâce à l’humidité de son climat et au peu de rapidité de ses cours d’eau, possède d’excellens herbages et de nombreux bestiaux. Quant à la partie montagneuse, partout où les bois ont disparu, ils ont emporté avec eux les derniers vestiges d’une prospérité qui n’est plus. Les pentes et les plateaux ne présentent qu’une cultare appauvrie. Quelques terres labourées, desséchées par le soleil et ravinées par les pluies, des landes, des bruyères et des rochers nus, tel est l’aspect qui s’offre à l’œil attristé.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le pâturage soit resté, sur un grand nombre de points, la base de l’économie rurale de ces contrées. Malheureusement ce ne sont plus ces troupeaux de vaches rouges et blanches qu’on voit attachés aux flancs des montagnes de la Suisse et du Jura, et dont les cloches argentines retentissent au loin dans les vallées ; ce sont surtout des bêtes à laine qui couvrent ces rochers, et leur bêlement plaintif trouble seul le silence de ces âpres solitudes. Le mouton et la chèvre arrachent l’herbe au lieu de la couper ; ils se jettent sur toute espèce de végétaux : ils dévastent les forêts, ruinent les pâturages, et causent des dommages beaucoup plus graves et plus irrémédiables que tous les autres bestiaux. Quand ils sont très nombreux, ils ravagent un pays comme pourrait le faire une nuée de sauterelles ; ils mettent littéralement le roc à nu, ils ravinent le sol avec leurs ongles pointus, le rendent