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que toutes les forêts n’agissent pas avec une égale intensité. Les futaies, par exemple, qui maintiennent le sol constamment couvert et plongent leurs racines très avant dans la terre, ont une action beaucoup plus sérieuse que les taillis, qui découvrent le terrain tous les vingt ou vingt-cinq ans, et le laissent à chaque nouvelle révolution exposé sans abri, pendant quatre ou cinq ans, à toutes les influences atmosphériques. Les taillis se rapprochent par conséquent des parties dénudées, et c’est ce qu’il faudra se rappeler dans la suite de cette étude.

Les données du problème étant posées, il nous sera facile d’en déduire les conséquences. Si l’on suppose que la moyenne annuelle des jours de pluie est de 120, et celle des jours de sécheresse de 244, il faut, pour que les rivières aient toujours un niveau constant, que le temps nécessaire à l’écoulement de leurs eaux soit à peu près trois fois plus considérable que celui pendant lequel elles sont tombées sous forme de pluie, c’est-à-dire qu’elles soient en quelque sorte emmagasinées dans un réservoir dont l’orifice de sortie serait trois fois plus petit que l’orifice d’entrée, mais qui laisserait échapper le liquide pendant trois fois plus de temps qu’il n’en a mis à s’introduire. Si l’écoulement se fait plus rapidement, les cours d’eau auront une période de sécheresse après en avoir eu une d’abondance excessive, qui aura pu produire des inondations soit locales, soit générales. Si au contraire l’écoulement est sensiblement plus lent, il ne suffira plus alors à débiter toute l’eau tombée : il y aura engorgement, production de marais et enfin inondations. Ainsi un excès de rapidité ou un retard général dans l’écoulement des eaux pluviales, causés, comme on le verra plus loin, l’un par l’absence, l’autre par l’extrême abondance des forêts, peuvent avoir les mêmes conséquences.

Les forêts, en favorisant l’absorption, ne laissent de libre qu’un certain minimum d’eau. De plus, en allongeant le trajet que le liquide absorbé est obligé de faire dans les canaux souterrains avant de reparaître à la surface du sol, elles augmentent considérablement le temps nécessaire à l’écoulement : elles réunissent donc toutes les conditions voulues pour faire l’office d’un véritable réservoir, dont les sources seraient les orifices de sortie, et pour assurer ainsi l’alimentation des cours d’eau d’une manière constante et continue. Les terrains dénudés au contraire laissent échapper une partie de cette eau, tant par l’évaporation que par l’écoulement superficiel, ne retiennent qu’imparfaitement celle qu’ils absorbent, permettent aux rayons du soleil de pomper l’humidité jusque dans les couches inférieures, et laissent par conséquent tarir les sources pendant l’été, après avoir engorgé les rivières pendant l’hiver. Parmi les faits nom-