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I.

Un premier phénomène s’offre à l’examen de quiconque étudie le régime des eaux : c’est la pluie. Ce phénomène donne naissance aux sources et aux rivières : dans certaines conditions de durée, il engendre les inondations.

La pluie est due à la précipitation des vapeurs contenues dans l’atmosphère, et cette précipitation elle-même est en général produite par le refroidissement des vents humides. Lorsque ces vents, qui nous arrivent de l’Océan ou de la Méditerranée, viennent à rencontrer sur leur parcours un lieu dont la température est trop basse pour maintenir à l’état de vapeur l’eau qu’ils contiennent, celle-ci se condense et se résout en pluie. Aussi résulte-t-il de ce phénomène que, puisque les pays montagneux sont généralement plus froids que les plaines situées aux mêmes latitudes, les pluies, toutes circonstances égales d’ailleurs, doivent y être plus fréquentes, et les faits confirment cette déduction théorique.

On a prétendu que la présence des forêts, comme celle des montagnes, avait pour effet d’abaisser la température et par conséquent d’augmenter l’abondance des pluies, bien qu’elle en diminuât d’ailleurs l’intensité. On ne saurait contester sans doute que les forêts, en abritant le terrain contre l’irradiation solaire, en produisant une transpiration cutanée des feuilles et en multipliant, par l’expansion des branches, les surfaces qui se refroidissent par rayonnement, n’agissent d’ordinaire comme cause frigorifique ; mais cet effet est loin d’être général, et, particulièrement dans nos climats, il est souvent masqué et même détruit par des circonstances locales, telles que les propriétés physiques du sol, la situation topographique du lieu que l’on considère, la direction des vents dominans, etc. S’il est certain que la température moyenne de notre pays est supérieure à ce qu’elle était du temps de César, alors que la Gaule était couverte de bois, on n’en doit pas moins admettre que, dans les localités protégées par les forêts contre les vents froids, un abaissement dans la température ne soit la conséquence du déboisement. Ainsi on a constaté, par exemple, que le département de l’Ardèche, qui ne renferme plus aujourd’hui un seul bois considérable, a éprouvé depuis trente ans une perturbation climatérique, dont les gelées tardives, autrefois inconnues dans le pays, sont l’un des effets les plus funestes. La même remarque a été faite dans la plaine d’Alsace, à la suite de la dénudation de plusieurs crêtes des Vosges. Dans les pays intertropicaux au contraire, où les nuits sont ordinairement très sereines, le pouvoir émissif des plantes augmentant sensiblement, et l’énergie