Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/613

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES AMÉRICAINS
SUR
LE PACIFIQUE

II.
SAN-FRANCISCO ET LA SOCIÉTÉ CALIFORNIENNE.



I.

Formée, on l’a vu[1], d’élémens aussi mobiles que divers, la société californienne n’offre pas cependant à l’observateur un sujet d’étude trop compliqué. Il n’en est pas d’elles comme de ces civilisations parvenues à un terme avancé de leur développement, où des nuances variées à l’infini produisent à chaque instant une combinaison nouvelle. Ici les couleurs sont crûment et carrément accusées avec une netteté de physionomie qui me remet en mémoire un conte fort original, enfoui dans les œuvres volumineuses d’un auteur un peu passé de mode aujourd’hui. Mme de Genlis. Le lieu de l’action est un palais magique doué de la singulière vertu d’obliger quiconque y entre à ne pouvoir déguiser sa pensée et à n’exprimer que la vérité, mais à son insu. « Je vais vous bouder, dit de l’air le plus gracieux une coquette, afin de vous tourner le dos. — Et serez-vous longtemps? demande l’amant intrigué. — Assez pour vous permettre de remarquer la longueur de mes tresses de cheveux.» En une certaine mesure, San-Francisco ressemble à ce palais de la vérité, et c’est avec le plus entier abandon que cette société de

  1. Voyez la livraison du 15 janvier 1859.