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Cette fois la confédération était à jamais anéantie. Chacun des princes mahrattes se trouvait lié par des traités et tenu en échec par la toute-puissante compagnie des Indes. La petite cour de Holkar devint à la mort de Djeswant-Rao le théâtre des plus honteuses intrigues; la plus entière confusion y régna pendant plusieurs années. Dowlat-Rao-Sindyah eut un instant la velléité de s’agiter, lorsque les Anglais portèrent la guerre dans le Népal; mais il réprima ce reste d’ardeur guerrière, et accepta les propositions que lui firent alors les conquérans de les aider à pacifier l’Inde. L’ex-peshwa, qui l’avait poussé à la révolte, lui adressa à cette occasion un billet dont voici la traduction telle qu’elle a été publiée dans un journal de l’Inde : « Votre père Madha-Dji-Sindyah, d’après les ordres du général en chef, alla à Dehli, fut fait vizir, et acquit une haute réputation : il nous servit de cœur et d’âme. Devenu son successeur, vous êtes entré en alliance avec les Anglais; c’est de la sorte que vous gouvernez l’Hindostan et que vous avez montré votre gratitude! Puisque c’est ainsi que vous nous servez, il vous convient de mettre des bracelets sur vos bras et de vous asseoir comme une femme! Après que notre pouvoir a été détruit, est-il possible que vous restiez debout? » Certes Badji-Rao avait contribué plus que personne à l’asservissement de son pays; mais ces paroles prouvent assez la rancune qui couvait au fond du cœur de l’ex-peshwa. On y voit percer aussi la jalousie que lui inspirait Sindyah resté maître de ses états, et régnant encore, quoique sans indépendance véritable, tandis qu’il en était réduit lui-même au triste rôle de souverain détrôné.

Lorsqu’éclata, il y a deux ans, l’insurrection des cipayes, les successeurs de Dowlat-Rao-Sindyah et de Djeswant-Rao-Holkar demeurèrent fidèles aux Anglais. La désertion de leurs propres soldats et l’abandon de leurs sujets ne purent les détacher du parti des Européens. Les descendans des chefs mahrattes, si fiers et si entreprenans, si peu scrupuleux quand il s’agissait de combattre, firent entendre à leurs troupes mutinées des paroles d’humanité et de paix. C’est que le principal instigateur, l’âme de la rébellion, Nana-Sahib, en se portant héritier de Badji-Rao, dont il se dit le fils adoptif, prenait une attitude menaçante pour les famille Sindyah et Holkar. Un peshwa, si jamais l’Inde se reconstituait telle qu’elle était il y a un demi-siècle, devrait chercher à ramener sous sa domination tous les princes de l’ancienne confédération mahratte. Les liens de cette confédération, en se renouant, ne laisseraient guère plus d’indépendance aux souverains actuels qu’ils n’en ont aujourd’hui. D’un autre côté, la résurrection d’un empire de Dehli ne leur eût pas rendu les belles provinces de l’Hindostan. A tout prendre, le joug de