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et montrer une faiblesse impardonnable. Toutefois il eut le tort de se croire invincible parce qu’il avait de bonnes troupes, et la folie de braver les périls d’une guerre à laquelle les Anglais étaient parfaitement préparés. Dans son aveuglement, il ne comprit pas le sens des paroles que lui adressait le plus habile et le plus honorable de tous les généraux qui s’étaient attachés à la fortune de sa famille. De Boigne disait tout simplement au mahârâdja : — l’Angleterre vous regarde, elle vous surveille d’un œil jaloux; l’avenir est à elle, puisque la révolution a forcé la France à s’effacer en Asie. Renoncez à votre chimérique dessein de chasser les Anglais, et ne mettez pas sur pied une armée qui soit pour eux une menace.


III.

Pendant que la plus grande partie des troupes de Sindyah se trouvait occupée dans les provinces du sud et dans l’Hindostan, Djeswant-Rao-Holkar rançonnait et pillait les districts de l’Inde centrale, restés sans défense. Son allié Amir-Khan traitait de la même manière les territoires situés à l’ouest d’Ouddjein, capitale du Malwa. Après avoir passé la saison des pluies à Indore, chef-lieu des états de Holkar, Djeswant-Rao poursuivit le cours de ses déprédations à travers les terres des petits souverains radjepoutes; puis il revint du côté de Bampoura, ville considérable bâtie sur un plateau élevé. Il s’y était fait construire, au milieu d’une forteresse qui ne fut jamais achevée, un joli palais dans lequel on voit encore aujourd’hui sa statue sculptée en marbre blanc. Cet homme énergique et entreprenant, que le succès enivrait et qui ne se laissait jamais abattre par les revers, affectait de n’obéir désormais à aucun sentiment de moralité ou de patriotisme, et ne voyait dans les malheurs qui désolaient son pays qu’une occasion de dépouiller les habitans et de ravager la campagne. Aussi, lorsque Dowlat-Rao-Sindyah, exaspéré par ses défaites et impatient d’anéantir le traité que lui avaient imposé les vainqueurs, chercha à renouer ses relations avec lui, Djeswant-Rao répondit qu’il était tout prêt à se mettre en cam- pagne, pourvu qu’on lui envoyât de l’argent. Sindyah n’avait plus de trésors depuis longtemps déjà, sa pauvreté était extrême; mais, plutôt que de se priver du concours de Djeswant-Rao, il lui abandonna le pillage des plus riches cités de ses états. Celui-ci accepta avec empressement une offre si séduisante. La ville de Moundissour, où se donnaient rendez-vous les marchands du Radjepoutana, de l’Hindostan, du Malwa et du Gouzerate, tenta sa cupidité comme étant l’une des plus riches de l’Inde. Elle fut rançonnée en règle, avec les plus minutieuses précautions et la plus scrupuleuse exacti-