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étaient indiquées par la note piémontaise. On sait que les plénipotentiaires autrichiens, tout en s’associant en termes généraux au désir de l’évacuation des États-Romains par les troupes étrangères, n’acceptèrent point la discussion sur les réformes qui seules pouvaient rendre possible ; cette évacuation. Cette question n’était point de celles dont la solution appartînt au congrès, réuni pour le règlement spécial des affaires du Levant, et ils n’avaient pas mission d’intervenir dans des questions qui intéressaient des états indépendans. Les ministres de Prusse et de Russie, quoique avec moins de hauteur et de vivacité, firent valoir les mêmes raisons d’abstention. Quant à M. de Cavour, il fit surtout remarquer que la présence des troupes autrichiennes dans les Légations et dans le duché de Parme détruisait l’équilibre politique en Italie et constituait pour la Sardaigne un véritable danger. « Les plénipotentiaires de la Sardaigne, dit-il, croient donc devoir signaler à l’attention de l’Europe un état de choses aussi anormal que celui qui résulte de l’occupation indéfinie d’une grande partie de l’Italie par les troupes autrichiennes. » Enfin, en résumant les idées qui s’étaient échangées entre les plénipotentiaires dans cette séance du congrès, M. le comte Walewski crut pouvoir établir que « les plénipotentiaires de l’Autriche s’étaient associés au vœu exprimé par les plénipotentiaires de la France de voir les états pontificaux évacués par les troupes françaises et autrichiennes aussitôt que faire se pourrait, sans inconvénient pour la tranquillité du pays et pour la consolidation de l’autorité du saint-siège. »

C’était quelque chose sans doute pour la diplomatie sarde que d’avoir ainsi ouvert à la question italienne, par une échappée, un congrès européen. Cependant les plénipotentiaires piémontais ne se montrèrent point satisfaits du vague résultat de la conversation dont l’Italie avait été l’objet, et que nous venons de résumer. Ils adressèrent le 16 avril au comte Walewski et à lord Clarendon une note nouvelle qui n’était plus, comme la première, l’insinuation de la question italienne au moyen d’un plan pratique relatif à la position d’un état particulier de la péninsule. La note du 16 avril élargissait le débat, et donnait pour ainsi dire un éclatant manifeste à la question italienne tout entière, telle qu’elle ressort de l’antagonisme du Piémont contre l’Autriche. Ce manifeste est curieux à relire dans les circonstances actuelles. On y dépeignait les effets du système de compression et de réaction violente inauguré par l’Autriche en 1868 et 1849, et suivi avec un redoublement de rigueur. Cette façon de gouverner maintenait l’Italie dans un état de constante irritation et de fermentation révolutionnaire. Cette agitation s’était calmée, il est vrai, pendant la guerre d’Orient, parce qu’en voyant un de leurs monarques nationaux allié aux grandes puissances occidentales, les Italiens avaient espéré que la paix apporterait quelque adoucissement à leurs maux ; mais, convaincus qu’ils n’avaient plus rien à attendre de la diplomatie ni des puissances qui s’intéressent à leur sert, ils s’incorporeraient avec une ardeur méridionale dans les rangs du parti révolutionnaire et subversif, et l’Italie serait de nouveau un foyer brûlant de conspirations et de désordres, qu’un redoublement de rigueurs réprimerait peut-être, mais que la moindre commotion européenne ferait éclater de la manière la plus violente. Un état de choses aussi fâcheux préoccupait au