Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/500

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier 1859.

La façon dont s’est ouverte l’année 1859 a profondément ému la France et l’Europe. Nous ne commenterons point les paroles adressées par l’empereur à l’ambassadeur d’Autriche, à la réception du jour de l’an. L’intention de l’empereur a-t-elle été bien comprise ? a-t-on prêté à l’allocution impériale une portée qu’elle n’avait point ? Nous n’avons pas qualité pour répondre. Seulement, en nous bornant au simple rôle d’observateur, et en constatant l’impression qu’elles ont produite, nous croyons avoir le droit de dire que les paroles de l’empereur ont déchiré un voile dont la masse du pays ne soupçonnait même pas l’existence, et que devant les perspectives obscures et indéfinies qui se sont tout à coup présentées à elle, l’imagination publique a été frappée d’une agitation et d’une surprise que la réflexion n’a pas encore calmées.

La réflexion en effet, disons-le tout de suite, est jusqu’à présent impuissante à mesurer la situation mystérieuse où nous sommes entrés à l’improviste. À quoi peut-elle se prendre ? Les données exactes, les faits avérés lui font défaut. À demi averti que ses affaires extérieures sont exposées à de graves complications, le pays ignore, à proprement parler, quelle est la nature de ces complications, quelles en peuvent être les conséquences, quels sont ceux de ses intérêts qu’elles mettent en jeu, et dans quelle mesure, parmi ces intérêts, les uns devront être satisfaits, et les autres pourraient être compromis. La vraie cause de l’anxiété nerveuse de l’opinion, c’est l’ignorance. Réduit à interroger des rumeurs, à interpréter des indices, à tirer des inductions de rapprochemens peut-être mal fondés, on redoute le pire parce qu’on ne sait point ce qu’il y a réellement lieu de craindre ou d’espérer. C’est au nom de cette ignorance, dont nous ressentons comme tout le monde les perplexités et dont nous ne sommes point responsables, que nous demanderons grâce pour les conjectures plus ou moins plausi-