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1802, toute l’armée de Holkar, faisant un long ; circuit, descendait des montagnes par une passe restée libre, tandis que celles de Sindyah et de Badji-Rao l’attendaient sur un autre point. Djeswant-Rao reçut encore un message du peshwa, auquel il répondit avec modération-, en insistant sur ce que son rival Sindyah était le véritable rebelle, puisqu’il avait injustement retenu en captivité l’héritier des états de Holkar.

Quarante-huit heures après cette réponse, la bataille commença. Vaincu dans les premières attaques, Djeswant-Rao finit par gagner lui-même et par son propre courage une bataille décisive et rallia les fuyards aux cris de : « C’est maintenant ou jamais qu’il faut me suivre[1] ! » Et ses soldats ; électrisés par l’appel de leur chef, chargèrent l’ennemi avec une audace irrésistible. Vainement les bataillons disciplinés jadis par de Boigne[2] opposèrent-ils une résistance désespérée ; les artilleurs se firent tuer sur leurs pièces. Vingt fois ils se reformèrent, et vingt fois Djeswant-Rao, à la tête de sa cavalerie, les écrasa par des charges impétueuses.

Les peshwa Badji-Rao comptait sur la victoire ; mais, trop poltron pour assister au combat, il écoutait de loin, avec une secrète terreur, le bruit du canon, répété par l’écho des montagnes. Lorsqu’on lui apprit la déroute des troupes de Sindyah et des siennes propres qui fuyaient en désordre, laissant entre les mains du vainqueur leur artillerie, leurs bagages et tous leurs objets de campement, il se sauva dans la citadelle de Singarh, située sur un roc inaccessible, emmenant avec lui une nombreuse escorte. Se croyant perdu, il sacrifia à son salut personnel les intérêts de son pays, en demandant comme une grâce au résident anglais ce qu’il n’avait jamais consenti à accepter : le régime d’un subside de six bataillons de cipayes entretenus et payés par le gouvernement mahratte, avec le droit de séjourner sur ses propres domaines[3].

Les Patans indisciplinés que commandait Amir-Khan, — l’allié de Djeswant-Rao, — avaient été les premiers à fuir au commencement du combat ; ils furent aussi les premiers à se précipiter, après

  1. Sir John Malcolm raconte ainsi cet épisode : « L’ennemi recommença l’action, et fût assez heureux pour forcer un corps de cavalerie à battre en retraite. Au moment où il s’aperçut de ce mouvement rétrograde, Djeswant-Rao (qui s’était tenu sur une colline pour observer le combat) sauta sur son cheval, et, s’adressant à une petite troupe des siens, invita tous ceux qui ne souhaitaient pas de mourir et qui renonçaient aux conquêtes, à se sauver et à retourner vers leurs femmes et leurs enfans. — Pour moi, s’écria-t-il, je ne veux pas survivre à cette journée. Si je ne remporte pas la victoire, quel asile me restera ? »
  2. De Boigne avait quitté le service de Sindyah en 1797 pour aller en Europe rétablir sa santé. Perron, qui lui succéda, était alors dans l’Hindostan en butte aux soupçons de Dowlat-Rao, qui ne lui accordait qu’une confiance limitée.
  3. Voyez Grant Duffs, History of the Mahrattas.