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s’était déclaré le régent et le très fidèle serviteur en prenant en main le gouvernement des états de Holkar. Badji-Rao promit tout ce qu’on voulut ; mais, obéissant à cette politique de bascule qui le guidait dans toutes ses actions, il fit jeter l’enfant orphelin dans une prison plus étroite. Menacé de près par Djeswant-Rao, le peshwa voulait le calmer d’abord au moyen d’un mensonge, faire sa cour à Dowlat-Rao-Sindyah en ne délivrant pas le légitime héritier de Holkar, et donner le temps au mahârâdja d’arriver à son secours. C’était donc encore dans le Dekkan, au centre et sous les murs de la capitale de l’empire mahratte, qu’allait se vider la querelle née de l’ambition démesurée de Sindyah. Les deux plus grands vassaux de la confédération, qui ne demandaient à personne la permission de se faire la guerre et bravaient en toute occasion l’autorité du gouvernement central, semblaient à ce moment suprême vouloir prendre le peshwa comme témoin, sinon comme juge d’un combat décisif. Il ne leur venait point à la pensée de détrôner le roi nominal, oublié dans la forteresse de Satara, ni de se substituer au ministre qui gouvernait à sa place. Issus l’un et l’autre d’une race obscure, ils respectaient encore dans le peshwa le caractère sacré du brahmane qui pourtant se jouait d’eux par des promesses évasives, calmait leur colère par une apparente soumission et désirait les dominer par son ascendant, mais sans souhaiter leur complet abaissement, tant il redoutait la prépondérance de la nation britannique, enracinée déjà au cœur même de l’empire mahratte. D’une part, Dowlat-Rao-Sindyah, qui venait d’apaiser l’insurrection des bhaïes, envoyait ses troupes vers le Dekkan pour mettre obstacle aux progrès de son rival et soutenir le peshwa menacé ; de l’autre, Djeswant-Rao marchait toujours en avant, suivi d’une armée considérable et protestant encore de son obéissance, pourvu qu’on lui remît le petit prince orphelin. Sans nul doute, si le peshwa Badji-Rao avait eu dans le cœur moins de duplicité et un sentiment plus net de la justice, il aurait pu tout arranger.

Cette fois le résident anglais n’offrit point sa médiation. Quelques jours se passèrent en négociations infructueuses ; Badji-Rao comptait si peu sur le succès de ces pourparlers, qu’il ordonnait à ses troupes d’opérer leur jonction avec celles de Sindyah. Sans perdre de temps, Djeswant-Rao courut se réunir à son avant-garde, campée à Djedjoury, ville fameuse par son temple bâti sur une colline, auquel on monte par de larges escaliers, et qui comptait alors, outre un nombre considérable de brahmanes chargés de le desservir, plus de deux cents bayadères attachées au sanctuaire. Le 23 octobre