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Dowlat-Rao s’habituait trop bien à ce rôle dangereux d’enfant gâté et de prince factieux excitant les haines, les jalousies de ceux qui s’étaient le plus abaissés pour lui plaire. La situation critique dans laquelle se trouvaient les provinces du nord eut cela d’utile qu’elle l’arracha à une vie d’intrigues dans laquelle il usait ses forces en pure perte.

Dowlat-Rao-Sindyah quitta la capitale de l’empire mahratte au mois de novembre de l’année 1800. Il était temps qu’il arrivât dans le Malwa, en proie aux déprédations de Djeswant-Rao-Holkar. Ce jeune prince, encouragé par le succès de ses précédentes campagnes, avait livré bataille, sous les murs d’Ouddjein, capitale des états de Sindyah, aux troupes ennemies, commandées par des officiers anglais. Après une lutte acharnée, Djeswant-Rao remportait une victoire décisive, et une forte contribution, levée sur les habitans de la riche capitale du Malwa, mettait dans ses coffres de grosses sommes d’argent. Sans perdre de temps, il courut attaquer le parc d’artillerie de Sindyah, qui battait en retraite sous la garde d’un petit corps d’armée aux ordres d’un major anglais ; — la compagnie cherchait à supplanter partout, dans les troupes des princes indigènes, les officiers français, dont elle craignait les talens militaires et les sentimens hostiles. Cette fois, Djeswant-Rao échoua dans son entreprise, et ce revers, qui l’arrêtait au milieu de sa marche victorieuse, donna le temps à Sindyah de rassembler ses forces. Le mahârâdja, résolu enfin à entier en campagne pour recouvrer ses états, à moitié conquis et ruinés par un ennemi sans pitié, rappela de Pounah, où ni continuait de commettre toute sorte de violences, son beau-père, le féroce Shirzie-Rao-Ghatgay. Lorsque ce monstre abhorré quitta la capitale avec ses bataillons d’infanterie et ses dix mille cavaliers, la cour et la ville, le peshwa et les habitans, riches et pauvres, furent soulagés d’un grand poids. Peu de jours auparavant, Shirzie-Rao-Ghatgay avait failli être arrêté et mis à mort par un chef mahratte chez lequel il s’était laissé entraîner sous prétexte de régler des affaires d’argent. Devinant le piège et saisissant à la gorge celui qui conspirait sa perte, il l’avait percé avec son épée en pleine rue, et dans sa rage il était venu camper sous les murs de Pounah, menaçant la ville d’un pillage et d’un massacre général. Le peshwa, soupçonné d’être l’instigateur du complot, tremblait dans son palais. Ses protestations réitérées ne l’eussent pas sauvé de la vengeance de Shirzie-Rao, si le résident anglais ne fût intervenu. Sa médiation arrêta les hostilités près d’éclater. Devant l’autorité croissante de la nation européenne alors maîtresse en Asie, les indigènes les plus indomptés s’inclinaient en frémissant, comme la bête sauvage qui rugit et se couche aux pieds de l’homme qui la subjugue par son regard souverain.