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IV

L’état des affaires dans le Malwa rendait nécessaire la présence de Dowlat-Rao-Sindyah au sein de ses états, mais les intrigues sans fin dont Pounah devenait le théâtre le retenaient toujours dans la capitale de l’empire mahratte ; c’était dans cette ville que s’agitaient désormais les destinées de l’Inde entière. Le peshwa Badji-Rao, gêné dans toutes ses actions depuis le premier jour de son accession au pouvoir, flottait incessamment entre des projets irréalisables. L’éloignement de Sindyah et de sa terrible faction, qu’il avait ardemment désiré lorsque l’emprisonnement de son rival, Nana-Farnéwiz, lui eut permis de gouverner seul, ne semblait plus aussi utile à ses desseins. Une fois Sindyah parti pour l’Hindostan, Nana-Farnéwiz pouvait reprendre l’offensive à son égard et se venger de sa longue détention en l’emprisonnant à son tour. La politique du peshwa consistait à se rapprocher le plus vite possible de ceux qu’il redoutait, même quand il en avait reçu les plus cruels outrages ; mais il avait une telle soif du pouvoir, que malgré tant de réconciliations simulées, tant de paroles jurées, il ne pouvait se résoudre à partager l’autorité avec Nana-Farnéwiz. Celui-ci, de son côté, affectait de prendre peu de goût aux affaires, s’efforçant de porter ombrage le moins possible au peshwa et à Dowlat-Rao-Sindyah. Trop inexpérimenté pour ne pas se laisser prendre aux flatteries intéressées de Badji-Rao, trop faible de caractère pour faire servir sa prépondérance au rétablissement de l’ordre, trop jeune même pour aspirer au noble rôle de pacificateur de son pays en proie à l’anarchie, le mahârâdja Dowlat-Rao s’abusait sur sa propre importance. Dénué de toute initiative, il était mené par les factions dont il se croyait l’arbitre.

Cependant le temps se passait : l’entreprise hardie de Djeswant-Rao-Holkar avait causé de grands ravages dans les provinces de Kandeish et de Malwa ; l’empire mahratte, désolé à ses extrémités par la guerre civile, troublé à l’intérieur par des insurrections et par de sourdes intrigues, ressemblait à un malade qui ressent les premières attaques du mal qui doit l’emporter. Ces symptômes n’échappaient point à la perspicacité des résidens anglais et des autres agens de la compagnie. Une étude attentive du génie des peuples de l’Inde, du caractère des princes et des ministres chargés du gouvernement de ces nations à demi civilisées, les avait mis à même de prévoir l’issue des événemens qui s’accomplissaient sous leurs yeux. La France, encore représentée par de vaillans officiers engagés au service des princes indigènes, n’avait plus de rôle, ni