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Mlle DE HALTINGEN
SOUVENIRS DE LA COUR DE DESDE.


I.

Je me rappelle encore avec plaisir les années que j’ai passées à Dresde dans ma jeunesse. Frédéric-Auguste IV, qui régnait alors, était un prince allemand dans toute la force du terme. Bien qu’il fût naturellement simple, il tenait prodigieusement à l’étiquette, dont le maréchal de Reitzenstein était le conservateur vigilant, et je ne l’ai jamais vue nulle part aussi rigoureusement observée, même à Vienne et à Pétersbourg. Quelques personnes attachaient donc un grand prix à se voir reçues dans une cour aussi fidèle aux pures traditions féodales. Les nombreuses familles étrangères que Dresde a le secret d’attirer y étaient fort bien accueillies, quand leur ancienneté ou leur importance politique leur ouvrait les portes du palais. Ces présentations donnaient une certaine animation à la cour de Saxe, qui certainement aurait paru moins agréable, si la noblesse indigène y avait eu seule accès.

Parmi les personnes qui furent présentées pendant l’hiver de 1844, Mlle Éléonora de Haltingen attira immédiatement l’attention générale. Sa mère l’avait trouvée trop jeune pour ramener à la cour ; mais la reine, qui avait entendu parler de Mlle de Haltingen dans les meilleurs termes, avait insisté pour qu’elle accompagnât ses parens. D’ailleurs les bals qui avaient lieu le mercredi de chaque semaine, et qui étaient en quelque sorte intimes, ne se prolongeaient pas dans