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instant de perdre le pouvoir et réduit à fuir, avait fait de son côté des avances à ce chef ambitieux, héritier des états de la famille de Sindyah. Devenu en quelque sorte l’arbitre des destinées de son pays dans un moment de crise, recherché par les deux partis qui se saisissaient à la fois du pouvoir sous prétexte de le partager, Dowlat-Rao devait tout naturellement se considérer comme le premier personnage de la confédération mahratte. Était-il plus difficile pour lui de se faire obéir à Pounah que de commander à Dehli ?

Alarmé de la prépondérance acquise par Dowlat-Rao, Nana-Farnéwiz souhaitait de grand cœur qu’il s’éloignât de la capitale, et s’efforçait de former contre ce prince trop puissant une ligue dans laquelle le premier rôle était réservé à la famille Holkar. Malheureusement celui qui l’avait représentée avec honneur et avec un certain éclat, Touka-Dji-Holkar, venait de mourir. Il laissait quatre fils, deux nés de sa femme légitime, deux autres qu’il avait eus d’une concubine. Touka-Dji, — qui appartenait à la tribu et non à la famille de Holkar, — n’avait été que le régent, le chef militaire des états conquis jadis par le vieux Molhar-Rao, et gouvernés avec tant de sagesse par la bru de celui-ci, la vertueuse reine Alya-Bhaïe. Cependant ses deux fils légitimes furent appelés à se partager l’héritage de la famille de Holkar, du consentement de leur père et avec l’approbation de la souveraine, qui ne laissait pas d’enfans. L’aîné, Kasi-Rao, faible d’esprit et difforme de corps, semblait incapable de gouverner. Touka-Dji, son père, et la reine Alya-Bhaïe désiraient qu’il restât à Mhysir, capitale des états de Holkar pendant le dernier règne, à titre de prince nominal, tandis que le commandement des armées et la direction des affaires seraient confiés à son jeune frère, Molhar-Rao, digne, par son brillant esprit et par sa bravoure, de porter le nom du fondateur de la famille. Cet arrangement, d’abord accepté par les jeunes princes avec un semblant de soumission aux volontés paternelles et au vœu de la reine Alya-Bhaïe, fut rompu dès que la mort de leur père, suivie de près par celle de la souveraine, les eut débarrassés de cette double tutelle. Molhar-Rao, impatient de saisir les rênes de l’état qu’il se sentait capable de diriger, demanda la protection de Nana-Fàrnéwiz. De son côté, Kasi-Rao fit appel à Dowlat-Sindyah : c’était avouer sa propre faiblesse et livrer son pays à la- domination étrangère.

Molhar-Rao avait pour lui l’armée ; il comptait parmi ses partisans les deux enfans illégitimes de son père, Djeswant-Rao et Witto-Dji. Il lui paraissait donc facile de triompher des prétentions mal fondées en apparence de Kasi-Rao. Campé près de Pounah avec, un petit corps de troupes, Molhar-Rao se tenait à portée de communiquer avec Nana-Farnéwiz, ne soupçonnant pas le piège qui lui était